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LE PHILOSOPHE
IGNORANT
(1766[1]).


PREMIÈRE QUESTION.

Qui es-tu ? d’où viens-tu ? que fais-tu ? que deviendras-tu ? C’est une question qu’on doit faire à tous les êtres de l’univers, mais à laquelle nul ne nous répond. Je demande aux plantes quelle vertu les fait croître, et comment le même terrain produit des fruits si divers. Ces êtres insensibles et muets, quoique enrichis d’une faculté divine, me laissent à mon ignorance et à mes vaines conjectures.

J’interroge cette foule d’animaux différents, qui tous ont le mouvement et le communiquent, qui jouissent des mêmes sensations que moi, qui ont une mesure d’idées et de mémoire avec

  1. Il existe plusieurs éditions de cet ouvrage sous la date de 1766, contenant aussi quelques autres pièces : 1o Petite Digression, qui, depuis les éditions de Kehl, est classée dans les romans (voyez tome XXI, page 245), sous ce titre : Les Aveugles juges des couleurs ; 2o Aventure indienne (qui est aussi au tome XXI, page 243) ; 3o Petit Commentaire de l’Ignorant sur l’Éloge du dauphin (voyez tome XXV, page 471) ; 4o Supplément au Philosophe ignorant : André Destouches à Siam (qu’on trouvera, page 97). Une édition de 1766, qui ne contient pas ce dernier morceau, a, au verso du frontispice, cette singulière note imprimée :

    « Par A….. de V……e, gentilhomme jouissant de cent mille livres de rente, connaissant toutes choses, et ne faisant que radoter depuis quelques années : ah ! public, recevez ces dernières paroles avec indulgence. »

    Le Philosophe ignorant a été, en 1767, compris dans le tome IV des Nouveaux Mélanges, et y est intitulé les Questions d’un homme qui ne sait rien. On sait combien Mme du Deffant était au courant des écrits sortis de la plume de Voltaire. Or, cette dame parlant pour la première fois du Philosophe ignorant, dans sa lettre à M. Walpole, du 4 janvier 1767, l’ouvrage doit avoir paru à la fin de décembre 1766. Cependant Voltaire s’en occupait lors du voyage de Chabanon à Ferney, en avril 1766. (B.)