Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/569

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En Italie, cette religion qui a détruit l’empire romain n’a laissé que de la misère et de la musique, des eunuques, des arlequins et des prêtres. On accable de trésors une petite statue noire appelée la Madone de Lorette ; et les terres ne sont pas cultivées.

La théologie est dans la religion ce que les poisons sont parmi les aliments.

Ayez des temples où Dieu soit adoré, ses bienfaits chantés, sa justice annoncée, la vertu recommandée : tout le reste n’est qu’esprit de parti, faction, imposture, orgueil, avarice, et doit être proscrit à jamais.

Rien n’est plus utile au public qu’un curé qui tient registre des naissances[1], qui procure des assistances aux pauvres, console les malades, ensevelit les morts, met la paix dans les familles, et qui n’est qu’un maître de morale. Pour le mettre en état d’être utile, il faut qu’il soit au-dessus du besoin, et qu’il ne lui soit pas possible de déshonorer son ministère en plaidant contre son seigneur et contre ses paroissiens, comme font tant de curés de campagne ; qu’ils soient gagés par la province, selon l’étendue de leur paroisse, et qu’ils n'aient d’autres soins que celui de remplir leurs devoirs.

Rien n’est plus inutile qu’un cardinal. Qu’est-ce qu’une dignité étrangère conférée par un prêtre étranger, dignité sans fonction, et qui presque toujours vaut cent mille écus de rente, tandis qu’un curé de campagne n’a ni de quoi assister les pauvres, ni de quoi se secourir lui-même ?

Le meilleur gouvernement est, sans contredit, celui qui n’admet que le nombre de prêtres nécessaire : car le superflu n’est qu’un fardeau dangereux. Le meilleur gouvernement est celui où les prêtres sont mariés : car ils en sont meilleurs citoyens ; ils donnent des enfants à l’État, et les élèvent avec honnêteté ; c’est celui où les prêtres n’osent prêcher que la morale, car s’ils prêchent la controverse, c’est sonner le tocsin de la discorde.

Les honnêtes gens lisent l’histoire des guerres de religion avec horreur ; ils rient des disputes théologiques comme la farce italienne. Ayons donc une religion qui ne fasse ni frémir ni rire.

Y a-t-il eu des théologiens de bonne foi ? Oui, comme il y a eu des gens qui se sont crus sorciers.

M. Deslandes, de l’Académie des sciences de Berlin, qui vient

  1. Voltaire, trop réservé ici, a été plus hardi un an après ; voyez, plus loin, une des notes sur A. B. C. (10e entretien).