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DE BOULAINVILLIERS. 349

M. FRERE T.

Non ; ce n'est pas assez dire. Relisez seulement VHistoire ecclé- siastique ; voyez les donatistes et leurs adversaires s'assommant à coups de bâton ; les atlianasiens et les ariens remplissant l'empire romain de carnage pour une diplitliongue. Voyez ces barbares chrétiens se plaindre amèrement que le sage empereur Julien les empêche de s'égorger et de se détruire. Regardez cette suite épouvantable de massacres ; tant de citoyens mourant dans les supplices, tant de princes assassinés, les bûchers allumés dans vos conciles, douze millions d'innocents, habitants d'un nouvel hémisphère, tués comme des ])ètes fauves dans un parc, sous prétexte qu'ils ne voulaient pas être chrétiens; et, dans notre ancien hémisphère, les chrétiens immolés sans cesse les uns par les autres, vieillards, enfants, mères, femmes, filles, expirant en foule dans les croisades des Albigeois, dans les guerres des hussites, dans celles des luthériens, des calvinistes, des anabaptistes, à la Saint-Barthélémy, aux massacres d'Irlande, à ceux du Piémont, à ceux des Cévennes ; tandis, qu'un évêque de Rome, mollement couché sur un lit de repos, se fait baiser les pieds, et que cinquante châtrés lui font entendre leurs fredons pour le désennuyer. Dieu m'est témoin que ce portrait est fidèle, et vous n'oseriez me contredire.

l'abbé.

J'avoue qu'il y a quelque chose de vrai ; mais, comme disait l'évêque de NoyonS ce ne sont pas là des matières de table; ce sont des tables des matières. Les dîners seraient trop tristes si la conversation roulait longtemps sur les horreurs du genre humain. L'histoire de l'Église trouble la digestion.

LE COMTE.

Les faits l'ont troublée davantage.

l'abbé. Ce n'est pas la faute de la religion chrétienne, c'est celle des abus.

LE COMTE.

Cela serait bon s'il n'y avait eu que peu d'abus. Mais si les prêtres ont voulu vivre à nos dépens depuis que Paul, ou celui qui a pris son nom, a écrit : « \e suis-je pas en - droit de me faire nourrir et vêtir par vous, moi, ma femme, ou ma sœur? »

��1. François de Clermont-Tonnerre, né en 10-29, mort le !5 février 1701, membre de l'Académie française, et dont le malin d'Alembert a fait l'Apologie. (B.)

2. !■■« aux Corinthiens, chap. ix, v. 4 et 5. [Xote de VoUaire.^

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