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548 LE DINER DU COMTE

comme le prétendent les talmudistes, ou sous Hérode le tétrarque, comme le disent quelques Évangiles, cela est fort indifférent. Il est avéré que ses disciples furent très-obscurs jusqu'à ce qu'ils eussent rencontré quelques platoniciens, dans Alexandrie, qui étayèrent les rêveries des galiléens par les rêveries de Platon. Les peuples d'alors étaient infatués de démons, de mauvais génies, d'obsessions, de possessions, de magie, comme le sont aujourd'hui les sau- vages. Presque toutes les maladies étaient des possessions d'esprits malins. Les Juifs, de temps immémorial, s'étaient vantés de chasser les diables avec la racine barath^ mise sous le nez des malades, et quelques paroles attribuées à Salomon, Le jeune Tobie chassait le diable avec la fumée d'un poisson sur le gril-. Voilà l'origine des miracles dont les Galiléens se vantèrent.

Les Gentils étaient assez fanatiques pour convenir que les Galiléens pouvaient faire ces beaux prodiges : car les Gentils croyaient en faire eux-mêmes. Ils croyaient à la magie comme les disciples de Jésus. Si quelques malades guérissaient par les forces de la nature, ils ne manquaient pas d'assurer qu'ils avaient été délivrés d'un mal de tête par la force des enchantements. Ils disaient aux chrétiens : Vous avez de beaux secrets, et nous aussi; vous guérissez avec des paroles, et nous aussi ; vous n'avez sur nous aucun avantage.

Mais quand les Galiléens, ayant gagné une nombreuse popu- lace, commencèrent à prêcher contre la religion de l'État ; quand, après avoir demandé la tolérance, ils osèrent être intolérants ; quand ils voulurent élever leur nouveau fanatisme sur les ruines du fanatisme ancien, alors les prêtres et les magistrats romains les eurent en horreur; alors on réprima leur audace. Que firent- ils ? ils supposèrent, comme nous l'avons vu, mille ouvrages en leur faveur ; de dupes ils devinrent fripons, ils devinrent faus- saires ; ils se défendirent par les plus indignes fraudes, ne pou- vant employer d'autres armes, jusqu'au temps où Constantin, devenu empereur avec leur argent, mit leur religion sur le trône; Alors les fripons furent sanguinaires. J'ose vous assurer que de- puis le concile de Nicée jusqu'à la sédition des Cévennes, il ne s'est pas écoulé une seule année où le christianisme n'ait versé le sang.

l'abbé.

Ah ! monsieur, c'est beaucoup dire.

��1. Voyez tome XI, page 137; et XVIII, 337.

2. Tobie, vi, 8.

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