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§44 LE DINER DU COMTE

veilles inconnues à tout le reste de la terre ? Quand même tous vos prophètes juifs auraient cité mille fois ces événements étranges, il serait impossible de les croire ; mais il n'y a pas un seul de ces prophètes qui cite les paroles du Pentateuque sur cet amas de miracles, pas un seul qui entre dans le moindre détail de ces aventures : expliquez ce silence comme vous pourrez.

Songez qu'il faut des motifs bien graves pour opérer ainsi le renversement de la nature. Quel motif, quelle raison aurait pu avoir le Dieu des Juifs? Était-ce. de favoriser son petit peuple? de lui donner une terre fertile? Que ne lui donnait-il l'Egypte au lieu de faire des miracles, dont la plupart, dites-vous, furent égalés par les sorciers de Pharaon? Pourquoi faire égorger par l'ange exter- minateur tous les aînés d'Egypte, et faire mourir tous les ani- maux, afin que les Israélites, au nombre de six cent trente mille combattants, s'enfuissent comme de lâches voleurs? Pourquoi leur ouvrir le sein de la mer Rouge, afin qu'ils allassent mourir de faim dans un désert? Vous sentez l'énormité de ces absurdes bêtises; vous avez trop de sens pour les admettre, et pour croire sérieusement à la religion chrétienne fondée sur l'impos- ture juive. Vous sentez le ridicule de la réponse triviale qu'il ne faut pas interroger Dieu, qu'il ne faut pas sonder l'abîme de la Providence. Non, il ne faut pas demander à Dieu pourquoi il a créé des poux et des araignées, parce qu'étant sûrs que les poux et les araignées existent, nous ne pouvons savoir pourquoi ils existent; mais nous ne sommes pas si sûrs que Moïse ait changé sa verge en serpent et ait couvert l'Egypte de poux, quoique les poux fussent familiers à son peuple : nous n'interrogeons point Dieu; nous interrogeons des fous qui osent faire parler Dieu, et lui prêter l'excès de leurs extravagances.

LA COMTESSE.

Ma foi, mon cher abbé, je ne vous conseille pas non plus de parler des miracles de Jésus. Le créateur de l'univers se serait- il fait Juif pour changer l'eau en vin^ à des noces où tout le monde était déjà ivre? aurait-il été emporté par le diable"^ sur une montagne d'où l'on voit tous les royaumes de la terre? aurait- il envoyé le diable^ dans le corps de deux mille cochons, dans un pays où il n'y avait point de cochons? aurait-il séché un figuier* pour n'avoir pas porté des figues, a quand ce n'était pas le temps

1. Jean, chap. ii, v. 9. {Note de Voltaire.)

2. Matthieu, chap. iv, v. 8. (Id.)

3. Ibid., chap. viii, v. 32. (/c/.)

4. Marc, chap. xi, v. 13. (/'i.)

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