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LE DINER DU COMTE
LE COMTE DE BOULAINVILLIERS.

La philosophie étend son empire sur tout l’univers, et votre Église ne domine que sur une partie de l’Europe ; encore y a-t-elle bien des ennemis. Mais vous devez m’avouer que la philosophie est plus salutaire mille fois que votre religion, telle qu’elle est pratiquée depuis longtemps.

L’ABBÉ.

Vous m’étonnez. Qu’entendez-vous donc par philosophie ?

LE COMTE.

J’entends l’amour éclairé de la sagesse, soutenu par l’amour de l’Être éternel, rémunérateur de la vertu et vengeur du crime.

L’ABBÉ.

Eh bien ! n’est-ce pas là ce que notre religion annonce ?

LE COMTE.

Si c’est là ce que vous annoncez, nous sommes d’accord : je suis bon catholique, et vous êtes bon philosophe ; n’allons donc pas plus loin ni l’un ni l’autre. Ne déshonorons notre philosophie religieuse et sainte, ni par des sophismes et des absurdités qui outragent la raison, ni par la cupidité effrénée des honneurs et des richesses, qui corrompent toutes les vertus. N’écoutons que les vérités et la modération de la philosophie ; alors cette philosophie adoptera la religion pour sa fille.

L’ABBÉ.

Avec votre permission, ce discours sent un peu le fagot.

LE COMTE.

Tant que vous ne cesserez de nous conter des fagots, et de vous servir de fagots allumés au lieu de raisons, vous n’aurez pour partisans que des hypocrites et des imbéciles. L’opinion d’un seul sage l’emporte sans doute sur les prestiges des fripons, et sur l’asservissement de mille idiots. Vous m’avez demandé ce que j’entends par philosophie ; je vous demande à mon tour ce que vous entendez par religion.

    (voyez, tome XI, page ix), publia le Mauvais Dîner, ou Lettres sur le Dîner du comte de Boulainvilliers, 1770, in-8° de viii et 282 pages.
    La Bibliotheca scriptorum Societatis Jesu (supplementum I, 132, Rome, 1814, in-4°) attribue à l’abbé Fellet une Lettre sur le Dîner du compte (sic) de Boulainvilliers, que je n’ai jamais vue. Mais le P. Cabellero ne peut faire autorité pour ce qui regarde la bibliographie des auteurs français, et je crois qu’il a voulu parler de l’ouvrage du P. Viret.
    M. Peignot, dans son Dictionnaire… des principaux livres condamnés au feu, tome II, page 189, mentionne le Dîner du comte de Boulainvilliers, sans donner la date de sa condamnation. (B.)