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516 LETTRE

Il fait Jésus fils adultérin de Miriah ou Mariah, et d'uu soldat nommé Joseph Pantlier; il raconte que lui et Judas voulurent cha- cun se faire chef de secte; que tous deux semhlaient opérer des prodiges, par la vertu du nom de Jéhova, qu'ils avaient appris à prononcer comme il le faut pour faire les conjurations. C'est un ramas ds rêveries rabbiniques fort au-dessous des Mille et une Nuits. Origène le réfuta, et c'était le seul qui le pouvait faire, car il fut presque le seul Père grec savant dans la langue hébraïque.

Les Juifs théologiens n'écrivirent guère plus raisonnablement jusqu'au xr siècle; alors, éclairés par les Arabes devenus la seule nation savante, ils mirent plus de jugement dans leurs ouvrages ; ceux du rabbin Aben Hezra furent très-estimés : il fut chez les Juifs le fondateur de la raison, autant qu'on la peut admettre dans les disputes de ce genre. Spinosa s'est beaucoup servi de ses ouvrages.

Longtemps après Aben Hezra vint Maïmonides au xiii* siècle : il eut encore plus de réputation. Depuis ce temps-là jusqu'au xvi% les Juifs eurent des livres intelligibles, et par conséquent dange- reux : ils en imprimèrent quelques-uns dès la fin du siècle xv*. Le nombre de leurs manuscrits était considérable. Les théologiens chrétiens craignirent la séduction: ils firent brûler les livres juifs sur lesquels ils purent mettre la main ; mais ils ne purent ni trouver tous les livres, ni convertir jamais un seul homme de cette reli- gion. On a vu, il est vrai, quelques Juifs feindre d'abjurer, tantôt par avarice, tantôt par terreur; mais aucun n'a jamais embrassé le christianisme de bonne foi : un Carthaginois aurait plutôt pris le parti de Rome qu'un Juif ne se serait fait chrétien. Orobio ^ parle de quelques rabbins espagnols et arabes qui abjurèrent, et devinrent évêques en Espagne; mais il se garde bien de dire qu'ils eussent renoncé de bonne foi à leur religion.

Les Juifs n'ont point écrit contre le mahométisme; ils ne l'ont pas à beaucoup près dans la même horreur que notre doctrine ; la raison en est évidente : les musulmans ne font point un Dieu de Jésus-Christ,

Par une fatalité qu'on ne peut assez déplorer, plusieurs savants chrétiens ont quitté leur religion pour le judaïsme. Pdttangel, professeur des langues orientales à Konigsberg dans le xvir siècle, embrassa la loi mosaïque. Antoine-, ministre "à Genève, fut brûlé pour avoir abjuré le christianisme en faveur du judaïsme,

��1 . Voyez ci-après, page 510.

2. Voyez tome XX, page 91 ; et XXV, 550.

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