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la mort est un frein dont le peuple a besoin. La religion bien épurée serait le premier lien de la société.

Ce curé voulait anéantir toute religion, et même la naturelle. Si son livre avait été bien fait, le caractère dont l’auteur était revêtu en aurait trop imposé aux lecteurs. On en a fait plusieurs petits abrégés, dont quelques-uns ont été imprimés : ils sont heureusement purgés du poison de l’athéisme.

Ce qui est encore plus surprenant, c’est que, dans le même temps, il y eut un curé de Bonne-Nouvelle, auprès de Paris[1], qui osa, de son vivant, écrire contre la religion qu’il était chargé d’enseigner : il fut exilé sans bruit par le gouvernement. Son manuscrit est d’une rareté extrême.

Longtemps avant ce temps-là, l’évêque du Mans, Lavardin, avait donné en mourant un exemple non moins singulier : il ne laissa pas, à la vérité, de testament contre la religion qui lui avait procuré un évêché ; mais il déclara qu’il la détestait ; il refusa les sacrements de l’Église, et jura qu’il n’avait jamais consacré le pain et le vin en disant la messe, ni eu aucune intention de baptiser les enfants et de donner les ordres, quand il avait baptisé des chrétiens et ordonné des diacres et des prêtres. Cet évêque se faisait un plaisir malin d’embarrasser tous ceux qui auraient reçu de lui les sacrements de l’Église : il riait en mourant des scrupules qu’ils auraient, et il jouissait de leurs inquiétudes. On décida qu’on ne rebaptiserait, et qu’on ne réordonnerait personne ; mais quelques prêtres scrupuleux se firent ordonner une seconde fois. Du moins l’évêque Lavardin ne laissa point après lui de monuments contre la religion chrétienne : c’était un voluptueux qui riait de tout ; au lieu que le curé Meslier était un homme sombre et enthousiaste, d’une vertu rigide il est vrai, mais plus dangereux par cette vertu même.


LETTRE VIII.

SUR L’ENCYCLOPÉDIE[2].

Monseigneur,

Votre Altesse demande quelques détails sur l’Encyclopédie ; j’obéis à vos ordres. Cet immense projet fut conçu par MM. Dide-

  1. Voyez tome XX, page 90.
  2. Voyez tome XXIV, page 467 ; et plus loin, l’opuscule intitulé De l’Encyclopédie.