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302 LETTRE

��DE DAVLE 1.

��Cependant s'élevait alors, et depuis plusieurs années, l'ini- mortel Bayle, le premier des dialecticiens et des philosophes sceptiques. Il avait déjà donné ses Pensées sur la comète, ses Réponses aux questions d'un provincial, et enfin son Dictionnaire de raison- nement. Ses plus grands ennemis sont forcés d'avouer qu'il n'y a pas une seule ligne dans ses ouvrages qui soit un blasphème évident contre la religion chrétienne ; mais ses plus grands défen- seurs avouent que, dans les articles de controverse, il n'y a pas une seule page qui ne conduise le lecteur au doute, et souvent à l'incréduhté. On ne pouvait le convaincre d'être impie ; mais il faisait des impies, en mettant les objections contre nos dogmes dans un jour si lumineux qu'il n'était pas possible à une foi médiocre de n'être pas ébranlée ; et malheureusement la plus grande partie des lecteurs n'a qu'une foi très-médiocre.

Il est rapporté dans un de ces dictionnaires historiques^, où la vérité est si souvent mêlée avec le mensonge, que le cardinal de Polignac, en passant par Rotterdam, demanda à Bayle s'il était anglican, ou luthérien, ou calviniste, et qu'il répondit : « Je suis protestant, car je proteste contre toutes les religions. »

En premier lieu, le cardinal de Polignac ne passa jamais par Rotterdam, que lorsqu'il alla conclure la paix d'Utrecht en 1713, après la mort de Bayle.

Secondement, ce savant prélat n'ignorait pas que Rayle, né calviniste au pays de Foix, et n'ayant jamais été en Angleterre ni en Allemagne, n'était ni anglican ni luthérien.

Troisièmement, il était trop poli pour aller demander à un homme de quelle religion il était. Il est vrai que Bayle avait dit quelquefois ce qu'on lui fait dire : il ajoutait qu'il était comme Jupiter assemble-nuages d'Homère. C'était d'ailleurs un homme de mœurs réglées et simples, un vrai philosophe dans toute l'étendue de ce mot. Il mourut subitement après avoir écrit ces mots : Voilà ce que c'est que la vérité.

Il l'avait cherchée toute sa vie, et n'avait trouvé partout que des erreurs.

Après lui, on a été beaucoup plus loin. Les Maillet, les Bou-

1. Voyez d'autres articles sur Bayle, tome XIV, page 37; et XVII, 553.

2. Ce Dictionnaire historique est celui de Chaudon, imprimé, pour la première fois, en 1706. Chaudon a depuis cité l'Eloge du cardinal par de Boze, comme source où il avait pris ce fait.

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