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que d'autres hommes ont été persécutés, poursuivis, mis à mort, pour quelques paroles équivoques.

Quelquefois l'un se brise oii l'autre s'est sauvé, Et par où l'un périt un autre est conservé.

{Cinna, acte II, scène i.)

Le Conte du Tonneau ^ du doyen Swift est une imitation des Trois Anneaux. La fable de ces trois anneaux est fort ancienne - : elle est du temps des croisades. C'est un vieillard qui laissa, en mourant, une bague à chacun de ses trois enfants: ils se battirent à qui aurait la plus belle; on reconnut enfin, après de longs débats, que les trois bagues étaient parfaitement semblables. Le bon vieillard est le théisme, les trois enfants sont la religion juive, la chrétienne, et la musulmane.

L'auteur oublia les religions des mages et des brachmanes, et beaucoup d'autres; mais c'était un Arabe qui ne connaissait que ces trois sectes. Cette fable conduit à cette indifférence qu'on reprocha tant à l'empereur Frédéric II, et à son chancelier De Vineis, qu'on accuse d'avoir composé le livre De tribus Impostoribus, qui, comme vous savez, n'a jamais existé ^

Le conte des Trois Anneaux se trouve dans quelques anciens recueils : le docteur Swift lui a substitué trois justaucorps. L'in- troduction à cette raillerie impie est digne de l'ouvrage ; c'est une estampe où sont représentées trois manières de parler en public : la première est le thécâtre d'Arlequin et de Gilles ; la seconde est un prédicateur dont la chaire est la moitié d'une futaille ; la troisième est l'échelle du haut de laquelle un homme qu'on va pendre harangue le peuple.

Un prédicateur entre Gilles et un pendu ne fait pas une belle figure. Le corps du livre est une histoire allégorique des trois principales sectes qui divisent l'Europe méridionale, la romaine, la luthérienne, et la calviniste : car il ne parle pas de l'Église grecque, qui possède six fois plus de terrain qu'aucune des trois autres, et il laisse là le mahométisme, bien plus étendu que l'Église grecque.

Les trois frères à qui leur vieux bonhomme de père a légué trois justaucorps tout unis, et de la même couleur, sont Pierre,

1. Voyez la note 2 de la page 206.

2. Boccace en a fait le sujet de sa troisième nouvelle de la première journée du Décaméron.

3. Voyez, tome X, une note sur VÉpitre à l'auteur du livre Des trois Impos- teurs.

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