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clirétienne dont tout homme d'État peut tirer de très-grands avan- tages pour le genre humain, en la resserrant dans ses bornes, si elle les a franchies. On a publié après la mort du lord Boling- broke quelques-uns de ses ouvrages ^ plus violents encore que son Recueil philosophique ; il y déploie une éloquence funeste. Per- sonne n'a jamais écrit rien de plus fort : on voit qu'il avait la religion chrétienne en horreur. Il est triste qu'un si sublime génie ait voulu couper parla racine un arbre qu'il pouvait rendre très-utile en élaguant les branches, et en nettoyant sa mousse.
On peut épurer la religion -. On commença ce grand ouvrage il y a près de deux cent cinquante années; mais les hommes ne s'éclairent que par degrés. Qui aurait prévu alors qu'on analyse- rait les rayons du soleil, qu'on électriserait avec le tonnerre, et qu'on découvrirait la loi de gravitation universelle, loi qui pré- side à l'univers? 11 est temps, selon Bolingbroke, qu'on bannisse la théologie, comme on a banni l'astrologie judiciaire, la sor- ceherie, la possession du diable, la baguette divinatoire, la pana- cée universelle, et les jésuites. La théologie n'a jamais servi qu'à renverser les lois et qu'à corrompre les cœurs : elle seule fait les athées, car le grand nombre des théologiens qui est assez sensé pour voir le ridicule de cette science chimérique n'en sait pas assez pour lui substituer une saine philosophie. La théologie, disent-ils, est, selon la signification du mot, la science de Dieu. Or les polissons qui ont profané cette science ont donné de Dieu des idées absurdes, et de là ils concluent que la Divinité est une chimère, parce que la théologie est chimérique. C'est précisé- ment dire qu'il ne faut ni prendre du quinquina pour la fièvre, ni faire diète dans la pléthore, ni être saigné dans l'apoplexie, parce qu'il y a eu de mauvais médecins ; c'est nier la connais- sance du cours des astres, parce qu'il y a eu des astrologues ; c'est nier les effets évidents de la chimie, parce que des chi- mistes charlatans ont prétendu faire de l'or. Les gens du monde, encore plus ignorants que ces petits théologiens, disent : Voilà des bacheliers et des licenciés qui ne croient pas en Dieu; pour- quoi y croirions-nous? Voilà quelle est la suite funeste de l'esprit théologique. Une fausse science fait les athées; une vraie science prosterne l'homme devant la Divinité : elle rend juste et sage celui que l'abus de la théologie a rendu inique et insensé.
��1. Voltaire veut parler de V Examen important, qu'il donna sous le nom de Bolingbroke, et qui fait partie du présent volume; voyez pages 195 et suiv.
2. Cet alinéa a été reproduit par Voltaire dans le 24*^ Dialogue de son A. B. G.
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