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SUR FRANÇOIS RABELAIS. 479

de près les augustes cérémonies de ce culte, et les premiers pon- tifes, plus ils s'abandonnaient à une licence que la cour de Rome semblait alors autoriser par son exemple. On pouvait leur ap- pliquer ces vers du Pastor fido :

Il lungo conversai" gênera noia, E la noia disprezzo, e odio al fine.

Les libertés qu'ont prises Machiavel, l'Arioste, l'Arétin, l'arche- vêque de Bénévent la Casa, le cardinal Bembo, Pomponace, Cardan, et tant d'autres savants, sont assez connues. Les papes n'y faisaient nulle attention, et pourvu qu'on achetât des indul- gences et qu'on ne se mêlât point du gouvernement, il était permis de tout dire. Les Italiens alors ressemblaient aux anciens Romains, qui se moquaient impunément de leurs dieux, mais qui ne troublèrent jamais le culte reçu ^ Il n'y eut que Giordano Bruno qui, ayant bravé l'inquisiteur à Venise, et s'étant fait un ennemi irréconciliable d'un homme si puissant et si dangereux, fut recherché pour son livre délia Bestia trionfante : on le fit périr par le supplice du feu, supplice inventé parmi les chrétiens contre les hérétiques. Ce livre très-rare est pis qu'hérétique ; l'auteur n'admet que la loi des patriarches, la loi naturelle; il fut composé et imprimé à Londres chez le lord Philippe Sidney, l'un des plus grands hommes d'Angleterre, favori de la reine Elisabeth.

Parmi les incrédules on range communément tous les princes etlespolitiquesd'Itahedesxiv^xv", et xvr siècles. On prétend que si le pape Sixte IV avait eu de la religion, il n'aurait pas trempé dans la conjuration des Pazzi, pour laquelle on pendit l'arche- vêque de Florence en habits pontificaux aux fenêtres de fliôtel de ville. Les assassins des Médicis, qui exécutèrent leur parri- cide dans la cathédrale au moment que le prêtre montrait l'eu- charistie au peuple, ne pouvaient, dit-on, croire à l'eucharistie. Il paraît impossible qu'il y eût le moindre instinct de religion dans le cœur d'un Alexandre VI, qui faisait périr par le stylet, par la corde, ou par le poison, tous les petits princes dont il ravissait les États, et qui leur accordait des indulgences in articulo mortis, dans le temps qu'ils rendaient les derniers soupirs.

On ne tarit point sur ces affreux exemples. Hélas! mon-

1. Nous citons louis ces scandales en les détestant, et nous espérons faire pas- ser dans l'espi'it du lecteur judicieux les sentiments qui nous animent {Note de Voltaire.)

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