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« Qui engendra Happe-Mousche, qui premier inventa de fumer les langues de bœuf ;

« Qui engendra Fout asnon,

« Qui engendra Vit-de-Grain,

« Qui engendra Grand-Gousier,

« Qui engendra Gargantua,

« Qui engendra le noble Pantagruel mon maistre. »

On ne s’est jamais tant moqué de tous nos livres de théologie que dans le catalogue des livres que trouva Pantagruel dans la bibliothèque de Saint-Victor#1 ; c’est « Bigua (biga) salutis, Bragueta juris, Pantofla decretorum » ; la Couille-barrine des preux, le Décret de l’Université de Paris sur la gorge des filles, l’Apparition de Gertrude à une nonnain en mal d’enfant, le Moutardier de pénitence : Tartaretus de modo cacandi ; l’Invention Sainte-Croix par les clercs de finesse, le Couillage des promoteurs, la Cornemuse des prélats, la Profiterolle des indulgences : « Utrum chimæra in vacuo bombinans possit comedere secundas intentiones : quœstio debatuta per decem hebdomadas in concilio Constantiensi » ; les Brimborions des célestins, la Ratouere des théologiens ; chaultcouillonis de magistro, les Aises de vie monacale, la Patenostre du singe, les Grézillons de dévotion, le Vietdazouer des abbés, etc.

Lorsque Panurge demande conseil à frère Jean des Entomeures pour savoir s’il se mariera et s’il sera cocu, frère Jean récite ses litanies[1]. Ce ne sont pas les litanies de la Vierge ; ce sont les litanies[2] du c. mignon, c. moignon, c. patté, c. laité, etc. Cette plate profanation n’eût pas été pardonnable à un laïque ; mais dans un prêtre !

Après cela, Panurge va consulter le théologal Hippothadée, qui lui dit qu’il sera cocu, s’il plaît à Dieu. Pantagruel va dans l’île des Lanternois ; ces Lanternois sont les ergoteurs théologiques qui commencèrent, sous le règne de Henri II, ces horribles disputes dont naquirent tant de guerres civiles.

L’île de Tohu et Bohu, c’est-à-dire de la confusion, est l’Angleterre, qui changea quatre fois de religion depuis Henri VIII.

On voit assez que l’île de Papefiguière désigne les hérétiques. On connaît les papimanes ; ils donnent le nom de Dieu au pape. On demande à Panurge s’il est assez heureux pour avoir vu le saint père ; Panurge répond qu’il en a vu trois, et qu’il n’y a guère profité. La loi de Moïse est comparée à celle de Cybèle, de Diane,

  1. Pantagruel, livre III, chap. xxvi.
  2. Pantargruel, livre II, chap. vii.