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LETTRES

À S. A. Mgr LE PRINCE DE ****

SUR RABELAIS

et sur d’autres auteurs accusés d’avoir mal parlé
de la religion chrétienne.

(1767[1])



LETTRE PREMIÉRE.

Monseigneur,

Puisque Votre Altesse veut connaître à fond Rabelais, je commence par vous dire que sa vie, imprimée au devant de Gargantua, est aussi fausse et aussi absurde que l’Histoire de Gargantua même. On y trouve que le cardinal de Bellay l’ayant mené à Rome, et ce cardinal ayant baisé le pied droit du pape, et ensuite la bouche, Rabelais dit qu’il lui voulait baiser le derrière, et qu’il fallait que le saint père commençât par le laver. Il y a des choses que le respect du lieu, de la bienséance, et de la personne, rend impossibles. Cette historiette ne peut avoir été imaginée que par des gens de la lie du peuple, dans un cabaret.

Sa prétendue requête au pape est du même genre : on suppose qu’il pria le pape de l’excommunier, afin qu’il ne fût pas brûlé ;

  1. Ces Lettres ont dû paraître en novembre 1767. Les Mémoires secrets en parlent au 19 ce mois. Le prince à qui elles sont adressées est Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick-Lunebourg, né le 9 octobre 1735, cité avec éloge dans le Précis du Siècle de Louis XV (voyez tome XV, page 353), commandant l’armée prussienne contre la France en 1792, mort à Altena le 10 novembre 1806, des suites d’une blessure qu’il avait reçue le 14 octobre précédent. (B.)