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DES ÉGLISES DE POLOGNE. 467

les Jois et les plaisirs, la discorde, sous le masque de la religion, bouleversa la Pologne ; les plus ardents catholiques, ayant le nonce du pape à leur tête, implorèrent l'Église des Turcs contre la grecque et la protestante. L'Église turque marcha sur la fron- tière avec l'étendard de Mahomet ; mais Mahomet fut hattu pen- dant quatre années de suite par saint Nicolas, patron des Russes, sur terre et sur mer. L'Europe vit avec étonnement des flottes pénétrer du fond de la mer Baltique auprès des Dardanelles, et brûler les flottes turques vers Smyrne. Il y eut sans doute plus de héros russes dans cette guerre qu'on n'en supposa dans celle de Troie. L'histoire l'emporta sur la fable. Ce fut un beau spec- tacle que ce peuple naissant, qui seul écrasait partout la gran-

��rope en Asie pour voir, par ses yeux, les besoins et les ressources de ses peuples, son armée, au milieu de la Pologne, fit naître longtemps des soupçons, des craintes, des animosités. Mais enfin, quand on fut bien convaincu que ces soldats n'étaient que des ministres de paix, ce prodige inouï ouvrit les yeux à plusieurs prélats. Ils rougirent de n'être pas plus pacifiques que des troupes russes.

« L'évèque de Cracovie et le nouveau primat, tous deux génies supérieurs, entrèrent par cela même dans des vues si salutaires. Ils sentirent qu'ils étaient Polonais avant d'être romains; qu'ils étaient sénateurs, princes, patriotes, autant qu'évèques. Mais il ne fallait pas moins qu'un roi philosophe, un primat, des évo- ques sages, une impératrice qui se déclarait l'apôtre de la tolérance, pour détour- ner les malheurs qui menaçaient la Pologne. La philosophie a jusqu'ici prévenu dans le Aord le carnage dont le fanatisme a souillé longtemps tant d'autres climats.

« Dans ces querelles de religion, dans cette grande dispute sur la liberté naturelle des hommes, quelques intérêts particuliers se sont jetés à la traverse, comme il arrive en tout pays, et surtout chez une nation libre; mais ils sont per- dus dans l'objet principal, et comme ils n'ont pas retai'dé d'un seul moment la marche uniforme dirigée vers la tolérance, nous n'avons pas fatigué le lecteur de ces petits mouvements qui disparaissent dans le mouvement généi'al.

« Il semble, par la disposition des esprits, que les trois communions plaignantes rentreront dans tous leurs droits sans que la communion romaine perde les siens. Elle aura tout, hors le droit d'opprimer, dont elle ne doit doit pas être jalouse. Et si une grande partie du Nord a dû son christianisme à des femmes, c'est à une femme supérieure qu'on devra le véritable esprit du christianisme, qui con- siste dans la tolérance et dans la paix. »

Il paraît, par la lettre de Voltaire à Catherine, du 29 janvier 17G8, que l'impé- ratrice ne fut pas contente des éloges donnés ici à l'évèque de Cracovie, qui y est appelé génie supérieur, expression qui est au-dessus de celle que Voltaire avait employée pour la czarine {femme supérieure). Cependant le texte de 1767 fut conservé, en 1768, dans le tome VII des Nouveaux Mélanges; en 1769, dans le tome I\' de VÉvangile du jour (voyez, ci-après, la note au bas de la. Lettre d'un avocat de Besançon); en 1771, dans le tome XV de l'édition in-4« des OEuvres de Vol- taire. Le texte actuel est de 1775: il parut, pour la première fois, dans l'édition encadrée.

La variante que je donne était importante, non-seulement pour donner l'expli- cation de la lettre du 29 janvier 1768, mais encore pour expliquer l'anachronisme apparent d'un écrit que je classe en 1767, et dans lequel on parle d'un événement arrivé en 1771. (B.)

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