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DES ÉGLISES DE POLOGNE. 461

qu'avec une extrême difficulté. Plusieurs évêques même, plus patriotes que prêtres, et plus touchés des droits de l'humanité que des avantages de leur parti, eurent la gloire de s'y opposer quelque temps.

Cette diète de 1717 ne songeait pas qu'en se vengeant du lu- thérien Charles XII son ennemi, elle insultait le grec Pierre le Grand son protecteur. Enfin la loi passa en partie; mais le roi Auguste la détruisit en la signant. Il donna un diplôme, le 3 fé- vrier 1717, dans lequel il s'exprime ainsi :

« Quant à la religion des dissidents, afin qu'ils ne pensent point que la communion de la no])lesse, leur égalité, et leur paix, aient été lésées par les articles insérés dans le nouveau traité, nous déclarons que ces articles insérés dans le traité ne doivent déroger en aucune manière aux confédérations des années 1573, 1632, 1648, 1669, 1674, 1697, et à nos pacta convoita, en tant qu'elles sont utiles aux dissidents dans la religion. iNous conser- vons lesdits dissidents en fait de religion dans leurs libertés énoncées dans toutes ces confédérations, selon leur teneur (la- quelle doit être tenue pour insérée et imprimée ici), et nous voulons qu'ils soient conservés par tous les états, officiers, et tri- bunaux. En foi de quoi nous avons ordonné de munir ces pré- sentes signées de notre main, et scellées du sceau du royaume. Donné à Varsovie le 3 février 1717, et le 20 de notre règne. »

Après cette contradiction formelle d'une loi décernée et abolie en même temps, contradiction trop ordinaire aux hommes, le parti le plus fort l'emporta sur le plus faible; la violence se donna carrière. Il est vrai qu'on ne ralluma pas les bûchers qui mirent autrefois en cendres toute une province du temps des Albigeois; on ne détruisit point vingt-quatre villages inondés du sang de leurs habitants, comme à Mérindol et à Cabrières. Les roues et les gibets ne furent point d'abord dressés dans les places publiques contre les grecs et les protestants, comme ils le furent en France sous Henri II. On n'a point encore parlé en Pologne d'imiter les massacres de la Saint-Barthélémy, ni ceux d'Irlande, ni ceux des vallées du Piémont. Les torrents de sang n'ont point encore coulé d'un bout du royaume à l'autre pour la cause d'un Dieu de paix. Mais enfin on a commencé à ravir à des innocents la liberté et la vie. Quand les premiers coups sont une fois portés, on ne sait plus où l'on s'arrêtera. Les exemples des anciennes horreurs que le fanatisme a produites sont perdus pour la postérité; les esprits de sang-froid les détestent, et les esprits échauffés les renou- vellent.

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