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LETTRE
DE GÉROFLE À COGÉ
(1767)[1]

Moi, Gérofle, je déclare que mon maître étant trop vieux et trop malade pour répondre à la lettre de maître Cogé, professeur au collége Mazarin, je mets la plume à la main[2] pour mon maître ; étant persuadé qu’un bon domestique doit prendre la défense de son maître, comme le neveu de l’abbé Bazing a soutenu la cause de son oncle. J’entre en matière, car le patron n’aime pas le verbiage.

Si une noble émulation soutenue par le génie produit les bons livres, l’orgueil et l’envie produisent les critiques, on le sait assez. Mais de quel droit maître Cogé serait-il envieux et orgueilleux ?

Quand l’immortel Fénelon donna son roman moral du Télémaque, Faydit et Gueudeville firent des brochures contre lui, et eurent même l’insolence de faire entrer la religion dans leurs rapsodies, dernière ressource des lâches et des imposteurs.

Quand un digne académicien a donné le roman moral de Bélisaire, traduit dans presque toutes les langues de l’Europe, il a trouvé son Faydit et son Gueudeville dans le régent de collége Cogé et dans Riballier,

Cogé et Riballier ont été les serpents qui, non-seulement ont cru ronger la lime, mais qui ont essayé de mordre l’auteur. Ils se sont imaginé que la nation est au xive siècle, parce qu’ils y sont. Ils ont cabalé dans la sacrée faculté de théologie de Paris pour engager icelle à écrire en latin contre un roman écrit en

  1. Cette pièce fait partie du recueil intitulé les Choses utiles et agréables, 1769-1770, trois volumes in-8°. C’est par plaisanterie que Voltaire nomme Cogé le personnage dont le véritable nom est Coger : voyez tome XXI, page 357.
  2. Expression de Larcher ; voyez la note 3 de la page 371.