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À WARBURTON.

soit aisé d’entasser, même dans le plus sale égout de l’irréligion, tant de faussetés, d’absurdités, et de malice... Comment peut-il soutenir à visage découvert, et à la face du soleil, que la loi mosaïque ordonnait aux Juifs d’entreprendre de vastes conquêtes, ou qu’elle les y encourageait, puisqu’elle leur assignait un district très-borné ? »

Je passe sous silence les injures aussi grossières que lâches, dignes des portefaix de Londres et de toi, et je viens à ce que tu oses appeler des raisons : elles sont moins fortes que tes injures.

Voyons d’abord s’il est vrai qu’on ait promis aux Juifs un si petit district.

« En ce jour[1], le Seigneur fit un pacte avec Abraham, et lui dit : Je donnerai à ta semence la terre depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve d’Euphrate. »

C’était promettre aux Juifs, par serment, l’isthme de Suez, une partie de l’Égypte, l’Arabie entière, tout ce qui fut depuis le royaume des Séleucides. Si c’est là un petit pays, il faut que les Juifs fussent difficiles : il est vrai qu’ils ne l’ont pas possédé, mais il ne leur a pas été moins promis.

Les Juifs renfermés dans le Chanaan vécurent des siècles sans connaître ces vastes contrées, et ils n’eurent guère de notions de l’Euphrate et du Tigre que pour y être traînés en esclavage. Mais voici bien d’autres promesses ; voyez Isaïe au chapitre xlix[2].

« Le Seigneur a dit : J’étendrai mes mains sur toutes les nations ; j’élèverai mon signe sur les peuples : ils vous apporteront leurs fils dans leurs bras, et leurs filles sur leurs épaules ; les rois seront vos nourriciers, et leurs filles vos nourrices ; ils vous adoreront, le visage en terre, et ils lécheront la poudre de vos pieds. »

N’est-ce pas leur promettre évidemment qu’ils seront les maîtres du monde, et que tous les rois seront leurs esclaves ? Eh bien ! Warburton, que dis-tu de ce petit district ?

Tu sais sur combien de passages les Juifs fondaient leur orgueil et leurs vaines espérances; mais ceux-ci suffisent pour démontrer que tu n’as pas même entendu les livres saints, contre lesquels tu as écrit. Vois si le sale égout de l’irréligion n’est pas celui dans lequel tu barbotes.

Venons maintenant[3] à la haine invétérée que les Israélites

  1. Genèse, xv, 18.
  2. Verset 22.
  3. Voyez tome XI, page 122.