Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
425
DIATRIBES DE L’ABBÉ BAZIN.

des déserts de Sur, d’Éthan, de Sin, d’Oreb, et de Cadès-Barné.

On croit encore que les Juifs étaient ces mêmes brigands, parce qu’ils n’avaient pas de religion fixe : ce qui convient très-bien ; dit-on, à des voleurs ; et on croit prouver qu’ils n’avaient pas de religion fixe, par plusieurs passages de l’Écriture même.

L’abbé de Tilladet, dans sa dissertation sur les Juifs, prétend que la religion juive ne fut établie que très-longtemps après. Examinons ses raisons.

1° Selon l’Exode[1] Moïse épousa la fille d’un prêtre de Madian, nommé Jéthro ; et il n’est point dit que les Madianites reconnussent le même dieu qui apparut ensuite à Moïse dans un buisson vers le mont Oreb.

2° Josué, qui fut le chef des fugitifs d’Égypte après Moïse, et sous lequel ils mirent à feu et à sang une partie du petit pays qui est entre le Jourdain et la mer, leur dit, chapitre xxiv[2] : « Ôtez du milieu de vous les dieux que vos pères ont adorés dans la Mésopotamie et dans l’Égypte, et servez Adonaï.... Choisissez ce qu’il vous plaira d’adorer, ou les dieux qu’ont servis vos pères dans la Mésopotamie, ou les dieux des Amorrhéens, dans la terre desquels vous habitez. »

3° Une autre preuve, ajoute-t-on, que leur religion n’était pas encore fixée, c’est qu’il est dit au livre des Juges, chapitre ier[3] : « Adonaï (le Seigneur) conduisit Juda, et se rendit maître des montagnes ; mais il ne put se rendre maître des vallées. »

L’abbé de Tilladet et Boulanger infèrent de là que ces brigands, dont les repaires étaient dans les creux des rochers dont la Palestine est pleine, reconnaissaient un dieu des rochers et un des vallées.

4° Ils ajoutent à ces prétendues preuves ce que Jephté dit aux chefs des Ammonites, chapitre xi, v. 24 : « Ce que Chamos votre dieu possède ne vous est-il pas dû de droit ? De même ce que notre dieu vainqueur a obtenu doit être en notre possession. »

M. Fréret infère de ces paroles que les Juifs reconnaissaient Chamos pour dieu aussi bien qu’Adonaï, et qu’ils pensaient que chaque nation avait sa divinité locale.

5° On fortifie encore cette opinion dangereuse par ce discours de Jérémie, au commencement du chapitre xlix : « Pour-

  1. ii, 21.
  2. 14, 15.
  3. 19.