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DIATRIBES DE L’ABBÉ BAZIN.

posées seulement pour sa satisfaction particulière. La première est sur la cause et les effets. La seconde traite de Sanchoniathon, l’un des plus anciens écrivains qui aient mis la plume à la main[1] pour écrire gravement des sottises. La troisième est sur l’Égypte, dont il faisait assez peu de cas (ce n’est pas de sa diatribe dont il faisait peu de cas, c’est de l’Égypte). Dans la quatrième, il s’agit d’un ancien peuple à qui on coupa le nez, et qu’on envoya dans le désert. Cette dernière élucubration est très-curieuse et très-instructive.


PREMIÈRE DIATRIBE DE L’ABBÉ BAZIN.
SUR LA CAUSE PREMIÈRE.

Un jour le jeune Madétès se promenait vers le port de Pirée ; il rencontra Platon, qu’il n’avait point encore vu. Platon, lui trouvant une physionomie heureuse, lia conversation avec lui ; il découvrit en lui un sens assez droit. Madétès avait été instruit dans les belles-lettres ; mais il ne savait rien, ni en physique, ni en géométrie, ni en astronomie. Cependant il avoua à Platon qu’il était épicurien.

« Mon fils, lui dit Platon, Épicure était un fort honnête homme ; il vécut et il mourut en sage. Sa volupté, dont on a parlé si diversement, consistait à éviter les excès. Il recommanda l’amitié à ses disciples, et jamais précepte n’a été mieux observé. Je voudrais faire autant de cas de sa philosophie que de ses mœurs. Connaissez-vous bien à fond la doctrine d’Épicure ? »

Madétès lui répondit ingénument qu’il ne l’avait point étudiée. « Je sais seulement, dit-il, que les dieux ne se sont jamais mêlés de rien, et que le principe de toute chose est dans les atomes, qui se sont arrangés d’eux-mêmes, de façon qu’ils ont produit ce monde tel qu’il est.

PLATON.

Ainsi donc, mon fils, vous ne croyez pas que ce soit une intelligence qui ait présidé à cet univers dans lequel il y a tant d’êtres intelligents ? Voudriez-vous bien me dire quelle est votre raison d’adopter cette philosophie.

MADÉTÈS.

Ma raison est que je l’ai toujours entendu dire à mes amis et à leurs maîtresses, avec qui je soupe ; je m’accommode fort de

  1. Voyez ci-dessus, page 371.