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CHAPITRE XIV.

contrées qu’ils conquirent dans l’Asie Mineure, et qu’on n’y lit que les noms anciens qu’elles avaient depuis les premiers temps. Il n’est jamais entré dans la tête de ce poëte que les Indiens et les Arabes pouvaient exactement avoir la même envie de rendre les noms primitifs aux lieux d’où les Grecs avaient été chassés. »

Warburton ne connaît pas plus les vraisemblances que les bienséances. Les Turcs et les Grecs modernes ignorent aujourd’hui les anciens noms du pays que les uns habitent en vainqueurs et les autres en esclaves. Si nous déterrions un ancien manuscrit grec, dans lequel Stamboul fût appelé Constantinople ; l’Atméidam, Hippodrome ; Scutari, le faubourg de Chalcédoine ; le cap Janissari, promontoire de Sigée ; Gara Denguis, le Pont-Euxin, etc. ; nous conclurions que ce manuscrit est d’un temps qui a précédé Mahomet II, et nous jugerions ce manuscrit très-ancien s’il ne contenait que les dogmes de la primitive Église.

Il est donc très-vraisemblable que le brachmane qui écrivait dans le Zomboudipo, c’est-à-dire dans l’Inde, écrivait avant Alexandre, qui donna un autre nom au Zomboudipo ; et cette probabilité devient une certitude lorsque ce brachmane écrit dans les premiers temps de la corruption de sa religion, époque évidemment antérieure à l’expédition d’Alexandre.

Warburton, de qui l’abbé Bazin avait relevé quelques fautes avec sa circonspection ordinaire[1], s’en est vengé avec toute l’âcreté du pédantisme. Il s’est imaginé, selon l’ancien usage, que des injures étaient des raisons, et il a poursuivi l’abbé Bazin avec toute la fureur que l’Angleterre entière lui reproche. On n’a qu’à s’informer dans Paris à un ancien membre du parlement de Londres qui vient d’y fixer son séjour, du caractère de cet évêque Warburton, commentateur de Shakespeare et calomniateur de Moïse : on saura ce qu’on doit penser de cet homme, et l’on apprendra comment les savants d’Angleterre, et surtout le célèbre évêque Lowth, ont réprimé son orgueil et confondu ses erreurs.



CHAPITRE XIV.
que les juifs haïssaient toutes les nations.

L’auteur du Supplément à la Philosophie de l’Histoire croit accabler l’abbé Bazin en répétant les injures atroces que lui dit War-

  1. Voyez tome XI, pages 39 et 108.