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DE L'INDE, ET DU VEIDAM.

connu un seul passage. Voici donc ces propres paroles du Veidam attribué à Brama, citées dans l’Ézour-Veidam :

« C’est l’Être suprême[1] qui a tout créé, le sensible et l’insensible ; il y a eu quatre âges différents ; tout périt à la fin de chaque âge, tout est submergé, et le déluge est un passage d’un âge à l’autre, etc.

« Lorsque Dieu existait seul, et que nul autre être n’existait avec lui, il forma le dessein de créer le monde. Il créa d’abord le temps, ensuite l’eau et la terre ; et du mélange des cinq éléments, à savoir, la terre, l’eau, le feu, l’air, et la lumière, il en forma les différents corps, et leur donna la terre pour leur base. Il fit ce globe, que nous habitons, en forme ovale comme un œuf. Au milieu de la terre est la plus haute de toutes les montagnes, nommée Mérou (c’est l’Immaüs). Adimo (c’est le nom du premier homme) sortit des mains de Dieu. Procriti est le nom de son épouse. D’Adimo[2] naquit Brama, qui fut le législateur des nations et le père des brames. »

Une preuve non moins forte que ce livre fut écrit longtemps avant Alexandre, c’est que les noms des fleuves et des montagnes de l’Inde sont les mêmes que dans le Hanscrit, qui est la langue sacrée des brachmanes. On ne trouve pas dans l’Ézour-Veidam un seul des noms que les Grecs donnèrent aux pays qu’ils subjuguèrent. L’Inde s’appelle Zomboudipo ; le Gange, Zanoubi ; le mont Immaüs, Mérou, etc.

Notre ennemi, jaloux des services que l’abbé Bazin a rendus aux lettres, à la religion et à la patrie, se ligue avec le plus implacable ennemi de notre chère patrie, de nos lettres et de notre religion, le docteur Warburton, devenu, je ne sais comment, évêque de Glocester[3], commentateur de Shakespeare et auteur d’un fatras contre l’immortalité de l’âme, sous le nom de la Divine Légation de Moïse : il rapporte une objection de ce brave prêtre hérétique contre l’opinion de l’abbé Bazin, bon catholique, et contre l’évidence que l’Ézour-Veidam a été écrit avant Alexandre. Voici l’objection de l’évêque :

« Cela est aussi judicieux qu’il le serait d’observer que les annales des Sarrasins et des Turcs ont été écrites avant les conquêtes d’Alexandre, parce que nous n’y remarquons point les noms que les Grecs imposèrent aux rivières, aux villes, et aux

  1. Voyez tome XI, page 192.
  2. Ibid., pages 17 et 192.
  3. Voyez, plus loin, l’opuscule intitulé À Warburton.