scrit[1] est incontestablement du temps où l’ancienne religion des gymnosophistes commençait à se corrompre ; c’est, après nos livres sacrés, le monument le plus respectable de la croyance de l’unité de Dieu. Il est intitulé Ézour-Veidam[2], comme qui dirait : le vrai Veidam, le Veidam expliqué, le pur Veidam. On ne peut pas douter qu’il n’ait été écrit avant l’expédition d’Alexandre dans les Indes, puisque, longtemps avant Alexandre, l’ancienne religion bramine ou abramine, l’ancien culte enseigné par Brama, avait été corrompu par des superstitions et par des fables. Ces superstitions même avaient pénétré jusqu’à la Chine du temps de Confutzée, qui vivait environ trois cents ans avant Alexandre. L’auteur de l’Ézour-Veidam combat toutes ces superstitions, qui commençaient à naître de son temps. Or, pour qu’elles aient pu pénétrer de l’Inde à la Chine, il faut un assez grand nombre d’années : ainsi, quand nous supposerons que ce rare manuscrit a été écrit environ quatre cents ans avant la conquête d’une partie de l’Inde par Alexandre, nous ne nous éloignerons pas beaucoup de la vérité.
Shumontou combat toutes les espèces d’idolâtrie dont les Indiens commençaient alors à être infectés, et, ce qui est extrêmement important, c’est qu’il rapporte les propres paroles du Veidam, dont aucun homme en Europe, jusqu’à présent, n’avait
- ↑ Le manuscrit dont parle Voltaire, et deux copies de la traduction française, se trouvent encore au cabinet des manuscrits orientaux de la Bibliothèque du roi. La traduction française fut publiée l’année même de la mort de Voltaire, par le baron de Sainte-Croix, sous le titre de : L’Ézour-Vedam ou Ancien commentaire du Vedam, contenant l’exposition des opinions religieuses et philosophiques des Indiens, traduit du samscretan par un brame, revu et publié avec des observations préliminaires, des notes, et des éclaircissements ; Yverdon, 1778, deux volumes in-12. Mais Voltaire et Sainte-Croix ont été dupes d’une imposture littéraire et religieuse. Le Veidam, ou plutôt les Veidams, car ils sont au nombre de quatre, à savoir : Rig-Veda, Yadjour-Veda, Sama-Veda, Atharvana-Veda, sont rédigés dans un ancien idiome sanscrit qui n’est plus entendu que d’un très-petit nombre de savants. Or le manuscrit dont parle Voltaire est écrit dans un dialecte vulgaire. D’ailleurs, bien loin de renfermer la véritable doctrine des anciens brames, ce manuscrit tend à saper cette doctrine pour la remplacer par celle du christianisme. Tout porte à croire que ce prétendu Veda ou commentaire du Veda a été fabriqué par quelque missionnaire catholique, dans le but d’attirer plus facilement les Indous au christianisme. Il existe des exemples de supercheries semblables ; on a même retrouvé dans la bibliothèque des missionnaires de Pondichéry les autres parties du Veda travesties de la même manière. Voyez, à ce sujet, le Mémoire que M. Francis Ellis a inséré dans le volume XIV des Asiatick Researches ou Mémoires de la société de Calcutta ; Calcutta, 1822, in-4o. (Note communiquée par M. Reinaud, de la Bibliothèque du roi.) (B.)
- ↑ Voltaire avait déjà parlé de l’Ézour-Veidam, tome XI, pages 52 et 192. Il en reparla, en 1769, dans le Précis du Siècle de Louis XV (voyez tome XV, page 326) ; et en 1771, dans ses Questions sur l’Encyclopédie (voyez tome XIX, page 58).