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DE L’INDE, ET DU VEIDAM.

trouva en deux cent cinquante ans beaucoup plus d’habitants que n’en contient aujourd’hui l’univers. Il s’en faut beaucoup que le Talmud et les Mille et une Nuits contiennent rien de plus absurde. On ne fait point ainsi des enfants à coups de plume. Voyez nos colonies ; voyez ces archipels immenses de l’Asie, dont il ne sort personne. Les Maldives, les Philippines, les Moluques, n’ont pas le nombre d’habitants nécessaires. Tout cela est encore une nouvelle preuve de la prodigieuse antiquité de la population de la Chine. »

Il n’y a rien à répondre, mon ami.

Voici encore comme mon oncle raisonnait. Abraham s’en va chercher du blé avec sa femme en Égypte, l’année qu’on dit être la 1917e avant notre ère, il y a tout juste trois mille six cent quatre-vingt-quatre ans : c’était quatre cent vingt-huit ans après le déluge universel. Il va trouver le pharaon, le roi d’Égypte ; il trouve des rois partout, à Sodome, à Gomorrhe, à Gérare, à Salem : déjà même on avait bâti la tour de Babel environ trois cent quatorze ans avant le voyage d’Abraham en Égypte. Or, pour qu’il y ait tant de rois et qu’on bâtisse de si belles tours, il est clair qu’il faut bien des siècles. L’abbé Bazin s’en tenait là ; il laissait le lecteur tirer ses conclusions.

Ô l’homme discret que feu M. l’abbé Bazin ! Aussi avait-il vécu familièrement avec Jérôme Carré[1], Guillaume Vadé[2], feu M. Ralph, auteur de Candide[3], et plusieurs autres grands personnages du siècle. Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es.



CHAPITRE XIII.
de l’inde, et du veidam.

L’abbé Bazin, avant de mourir, envoya à la Bibliothèque du roi le plus précieux manuscrit qui soit dans tout l’Orient. C’est un ancien commentaire d’un brame nommé Shumontou[4] sur le Veidam, qui est le livre sacré des anciens brachmanes. Ce manu-

  1. Voltaire a publié, sous le nom de Jérôme Carré, l’Écossaise, voyez tome IV du Théâtre : et un morceau Du Théâtre anglais, voyez tome XXIV, page 192.
  2. Sous ce nom, Voltaire publia, en 1760, le Pauvre Diable, voyez tome X ; et en 1764, un volume intitulé Contes de G. Vadé.
  3. Voyez tome XXI, page 137.
  4. Nommé Chumontou, tome XI, page 192.