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DES CHINOIS.

archives de Tyr ne donnaient à ce temple que deux mille trois cents ans d’antiquité. »

Il est clair par là que le temple de Tyr n’était antérieur à celui de Salomon que d’environ douze cents années. Ce n’est pas là une antiquité bien reculée, comme tous les sages en conviendront. Hélas ! presque toutes nos antiquités ne sont que d’hier ; il n’y a que quatre mille six cents ans qu’on éleva un temple dans Tyr. Vous sentez, ami lecteur, combien quatre mille six cents ans sont peu de chose dans l’étendue des siècles, combien nous sommes peu de chose, et surtout combien un pédant orgueilleux est peu de chose.

Quant au divin Hercule, dieu de Tyr, qui dépucela cinquante demoiselles en une nuit, mon oncle ne l’appelle que dieu secondaire. Ce n’est pas qu’il eût trouvé quelque autre dieu des Gentils qui en eût fait davantage ; mais il avait de très-bonnes raisons pour croire que tous les dieux de l’antiquité, ceux mêmes majorum gentium, n’étaient que des dieux du second ordre, auxquels présidait le Dieu formateur, le maître de l’univers, le Deus optimus des Romains, le Knef des Égyptiens, l’Iaho des Phéniciens, le Mithra des Babyloniens, le Zeus des Grecs, maître des dieux et des hommes, l’Iesad des anciens Persans. Mon oncle, adorateur de la Divinité, se complaisait à voir l’univers entier adorer un dieu unique, malgré les superstitions abominables dans lesquelles toutes les nations anciennes, excepté les lettrés chinois, se sont plongées.



CHAPITRE XII.
des chinois.

Quel est donc cet acharnement de notre adversaire contre les Chinois, et contre tous les gens sensés de l’Europe qui rendent justice aux Chinois ? Le barbare n’hésite point à dire que « les petits philosophes ne donnent une si haute antiquité à la Chine que pour décréditer l’Écriture ».

Quoi ! c’est pour décréditer l’Écriture sainte que l’archevêque Navarrète, Gonzales de Mendoza, Henningius, Louis de Gusman, Semmedo, et tous les missionnaires, sans en excepter un seul, s’accordent à faire voir que les Chinois doivent être rassemblés en corps de peuple depuis plus de cinq mille années ? Quoi ! c’est pour insulter à la religion chrétienne qu’en dernier lieu le P. Parennin a réfuté avec tant d’évidence la chimère d’une pré-