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DE L’ALCORAN.


CHAPITRE III.
de l’alcoran.

Notre infâme débauché cherche un subterfuge chez les Turcs pour justifier les dames de Babylone. Il prend la comédie d’Arlequin Ulla[1] pour une loi des Turcs. « Dans l’Orient, dit-il, si un mari répudie sa femme, il ne peut la reprendre que lorsqu’elle a épousé un autre homme qui passe la nuit avec elle, etc.[2] » Mon paillard ne sait pas plus son Alcoran que son Baruch. Qu’il lise le chapitre ii du grand livre arabe donné par l’ange Gabriel, et le quarante-cinquième paragraphe de la Sonna : c’est dans ce chapitre ii, intitulé la Vache, que le prophète, qui a toujours grand soin des dames, donne des lois sur leur mariage et sur leur douaire : « Ce ne sera pas un crime, dit-il, de faire divorce avec vos femmes, pourvu que vous ne les ayez pas encore touchées, et que vous n’ayez pas assigné leur douaire ;… et si vous vous séparez d’elles avant de les avoir touchées, et après avoir établi leur douaire, vous serez obligé de leur payer la moitié de leur douaire, etc., à moins que le nouveau mari ne veuille pas le recevoir. »


KISRON HECBALAT DOROMFET ERNAM RABOLA ISRON TAMON
ERG BEMIN OULDEG EBORI CARAMOUFEN, etc.[3]


Il n’y a peut-être point de loi plus sage : on en abuse quelquefois chez les Turcs, comme on abuse de tout. Mais, en géné-

  1. L’Arlequin Ulla, opéra-comique de Le Sage et d’Orneval, fut joué, pour la première fois, en 1716. La comédie de Dominique et Romagnési, qui porte le même titre, est de 1728.
  2. En supposant que la loi existe, elle prescrit seulement qu’un homme ne peut reprendre une femme avec laquelle il a fait divorce que lorsqu’elle est veuve d’un autre homme, ou qu’elle a été été répudiée par lui. Cette loi aurait pour but d’empêcher les époux de se séparer pour des causes très-légères. Un homme riche a pu quelquefois, pour éluder la loi, faire jouer cette comédie.

    C’est ainsi qu’en Angleterre un homme qui veut se séparer de sa femme avec son consentement se fait surprendre avec une fille. Dirait-on que, par la loi d’Angleterre, un homme ne peut se séparer de sa femme qu’après avoir couché avec une autre devant témoins ? Ce serait imiter M. Larcher, et prendre l’abus ridicule d’une mauvaise loi pour la loi même. Mais cette loi, quoique mauvaise, ne prescrit, ni dans l’Orient, ni dans l’Angleterre, une action contraire aux mœurs. (K.)

  3. Les passages du Coran, cités par Voltaire, sont la traduction fidèle de la partie des versets 237 et 238 du chapitre second intitulé la Vache. Mais il plai-