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EXORDE.

Vois donc quel est ton blasphème ! Tu oses dire que les auteurs des livres sacrés ont pu se tromper dans tout ce qui n’est pas dogme.

Tu prétends donc que le Saint-Esprit, qui a dicté ces livres, a pu se tromper depuis le premier verset de la Genèse jusqu’au dernier des Actes des apôtres ; et, après une telle impiété, tu as l’insolence d’accuser d’impiété des citoyens dont tu n’as jamais approché, chez qui tu ne peux être reçu, et qui ignoreraient ton existence si tu ne les avais pas outragés.

Que les gens de bien se réunissent pour imposer silence à ces malheureux qui, dès qu’il paraît un bon livre, crient à l’impie, comme les fous des petites-maisons, du fond de leurs loges, se plaisent à jeter leur ordure au nez des hommes les plus parés, par ce secret instinct de jalousie qui subsiste encore dans leur démence.

Et vous, pusille grex[1], qui lirez la Défense de mon Oncle, daignez commencer par jeter des yeux attentifs sur la table des chapitres et choisissez, pour vous amuser, le sujet qui sera le plus de votre goût[2].


EXORDE.


Un des premiers devoirs est d’aider son père, et le second est d’aider son oncle. Je suis neveu de feu M. l’abbé Bazing, à qui un éditeur ignorant a ôté impitoyablement un g, qui le distinguait des Bazin de Thuringe, à qui Childéric enleva la reine Bazine[3]. Mon oncle était un profond théologien qui fut aumônier de l’ambassade que l’empereur Charles VI envoya à Constantinople après la paix de Belgrade. Mon oncle savait parfaitement le grec, l’arabe, et le cophte. Il voyagea en Égypte, et dans tout l’Orient, et enfin s’établit à Pétersbourg en qualité d’interprète chinois. Mon grand amour pour la vérité ne me permet pas de dissimuler que, malgré sa piété, il était quelquefois un peu railleur. Quand M. de Guignes fit descendre les Chinois des Égyp-

  1. Luc, xii, 32.
  2. Voyez cette table à la fin du volume. (Note de Voltaire.) — Voyez la fin de la note 1, page 367.
  3. Vous sentez bien, mon cher lecteur, que Bazin est un nom celtique, et que la femme de Bazin ne pouvait s’appeler que Bazine ; c’est ainsi qu’on a écrit l’histoire. (Note de Voltaire.)