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curiosité : en un mot, que toutes les histoires de l’Écriture servent à nous rendre meilleurs, si elles ne nous rendent pas plus éclairés.

Il y a, ce me semble, mes frères, deux manières d’interpréter figurément et dans un sens mystique les saintes Écritures. La première, qui est incontestablement la meilleure, est celle de tirer de tous les faits des instructions pour la conduite de la vie. Si Jacob fait une cruelle injustice à son frère Ésaû, s’il trompe son beau-père Laban, conservons la paix dans nos familles, et agissons avec justice envers nos parents. 8i le patriarche Ruben déshonore le lit de son père Jacob, ayons cet inceste en horreur. Si le patriarche Juda commet un inceste encore plus odieux avec Thamar sa belle-fille, n’en ayons que plus daversion pour ces iniquités. Quand David ravit la femme d’Uriah et qu’il assassine son *mari ; quand Salomon assassine son frère ; quand presque tous les petits rois juifs sont des meurtriers barbares, adoucissons nos mœurs en lisant cette suite affreuse de crimes. Lisons enfin toute la Bible dans cet esprit : elle inquiète celui qui veut être savant,- elle console celui qui ne veut être qu’homme de bien.

L’autre manière de développer le sens caché des Écritures est celle de regarder chaque événement comme un emblème histo- rique et physique. C’est la méthode qu’ont employée saint Clé- ment, le grand Origène, le respectable saint Augustin, et tant d’autres Pères. Selon eux, le morceau de drap rouge que la pro- stituée Rahab pend à sa fenêtre est le sang de Jésus-Christ. Moïse ^Hendant les bras annonce le signe de la croix. Juda liant son ânon à la vigne figure l’entrée de Jésus-Christ dans Jérusalem. Saint Augustin compare l’arche de Noé à Jésus. Saint Ambroise, dans son livre septième de Arca, dit que la petite porte de déga- gement, pratiquée dans l’arche, signifie l’ouverture par laquelle l’homme jette la partie grossière des aliments. Quand même toutes ces explications seraient vraies, quel fruit en pourrions- nous retirer? Les hommes en seront-ils plus justes, quand ils sau- ront ce que signifie la petite porte de l’arche? Cette méthode d’expliquer l’Écriture sainte n’est qu’une subtilité de l’esprit, et elle peut nuire à la simplicité du cœur.

Écartons tous les sujets de dispute qui divisent les nations, et pénétrons-nous des sentiments qui les réunissent. La soumission à Dieu, la résignation, la justice, la bonté, la compassion, la tolé- rance. Voilà les grands principes. Puissent tous les théologiens de la terre vivre ensemble comme les commerçants, qui, sans

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