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DE L'ANCIEN TESTAMENT. 343

dant une année; que même, pendant cette année, il y a autant de terrains qui n'ont point reçu la pluie qu'il y en a d'inondés; que la loi de la gravitation empêche l'Océan de franchir ses bornes ; que s'il couvrait la terre il laisserait son lit à sec ; qu'en couvrant la terre il ne pourrait surpasser le sommet des mon- tagnes de quinze coudées ; que les animaux qui entraient dans l'arche ne pouvaient venir d'Amérique ni des terres australes; que sept paires d'animaux purs, et deux paires d'animaux im- purs pour chaque espèce, n'auraient pu être contenues seule- ment dans vingt arches; que ces vingt arches n'auraient pu con- tenir tout le fourrage qu'il leur fallait, non-seulement pendant dix mois, mais pendant l'année suivante, année pendant laquelle la terre, trop abreuvée, ne pouvait rien produire; que les animaux voraces qui se nourrissent de chair seraient péris faute de nour- riture; que huit personnes qui étaient dans l'arche n'auraient pu suffire à distribuer aux animaux leur pâture journalière. Enfin ils ne tarissent point sur les difficultés ; mais on lève toutes ces difficultés en leur faisant voir que ce grand événement est un miracle : et dès lors toute dispute est finie.

« Or çà, bâtissons une ville et une tour de laquelle le sommet soit jusqu'aux cieux, et acquérons-nous de la réputation, do peur que nous ne soyons dispersés par toute la terrée »

Les incrédules prétendent qu'on peut avoir de la réputation et être dispersé. Ils demandent si les hommes ont pu jamais être assez insensés pour vouloir bâtir une tour qui s'élevât jusqu'au ciel. Ils disent que cette tour ne s'élève que dans l'air, et que si par l'air on entend le ciel, elle sera nécessairement dans le ciel, ne fût-elle haute que de vingt pieds ; que si tous les hommes alors parlaient la même langue, ce qu'ils pouvaient faire de plus sage était de se réunir dans la même ville, et de prévenir la cor- ruption de leur langage. Ils étaient apparemment tous dans leur patrie, puisqu'ils étaient tous d'accord pour y bâtir. Les chasser de leur patrie est tyrannique; leur faire parler de nouvelles lan- gues tout d'un coup est absurde. Par conséquent, disent-ils, on ne peut regarder l'histoire de la tour de Babel que comme un conte oriental.

Je réponds à ce blasphème que ce miracle, étant écrit par un auteur qui a rapporté tant d'autres miracles, doit être cru comme les autres. Les œuvres de Dieu ne doivent ressembler en rien aux œuvres des hommes. Les siècles des patriarches et des prophètes

1. Genèse, xi, 4. {JS'ote de Voltaire.)

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