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DE L'ANCIEN TESTA3IENT. 341

C'est en arabe que cette allégorie fut écrite. Il reste encore dans la traduction hébraïque des phrases entières arabes. Voilà donc les Indiens, les Persans, les Arabes et les Juifs, qui, les uns après les autres, admettent à peu près la même théologie. Elle est donc digne d'une grande attention.

Mais ce qui en est bien plus digne, c'est la morale qui doit résulter de toute cette théologie antique. Les hommes, qui ne sont point nés pour être meurtriers, puisque Dieu ne les a point armés comme les lions et les tigres; qui ne sont point nés pour l'imposture, puisqu'ils aiment tous nécessairement la vérité ; qui ne sont point nés pour être des brigands ravisseurs, puisque Dieu leur a donné également à tous les fruits de la terre et les toisons des brebis, mais qui cependant sont devenus ravisseurs, parjures, et homicides, sont réellement les anges transformés en démons.'

Cherchons toujours, mes frères, dans la sainte Écriture, ce qui nous enseigne la morale et non la physique.

Que l'ingénieux Calmet emploie sa profonde sagacité et sa pénétrante dialectique à trouver la place du paradis terrestre ; contentons-nous de mériter, si nous pouvons, le paradis céleste,' par la justice, par la tolérance, par la bienfaisance.

« Et quant à l'arbre de la science du bien et du mal, tu n'en mangeras point: car le jour que tu en mangeras tu mourras de moFt^ »

Les interprètes avouent qu'on n'a jamais connu aucun arbre qui donnât de la science. Adam ne mourut point de mort le jour qu'il en mangea; il vécut encore neuf cent trente années, dit la sainte Écriture. Hélas! que sont neuf siècles entre deux éternités! ce n'est pas même une minute dans le temps, et nos jours passent comme l'ombre. Mais cette allégorie ne nous dit-elle pas claire- ment que la science mal entendue est capable de nous perdre ? L'arbre de la science porte sans doute des fruits bien amers, puisque tant de savants théologiens ont été persécuteurs ou per- sécutés, et que plusieurs sont morts d'une mort épouvantable. Ah ! mes frères, l'Esprit saint a voulu nous faire voir combien une fausse science est dangereuse, combien elle enfle le cœur, et à quel point un docteur est souvent absurde.

C'est de ce passage que saint Augustin conclut l'imputation faite à tous les hommes de la désobéissance du premier. C'est lui qui développa la doctrine du péché originel, soit que la souillure de ce péché ait corrompu nos corps, soit que les âmes qui entrent

1. Genèse, ii, 17. {Note de Voltaire.)

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