Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
TRADUCTION D’UNE LETTRE


quatre qualités dont il est composé, le froid, le chaud, le sec, et l’humide. Le nombre de quatre a rapport au vieil homme et au Vieux Testament, et celui de trois a rapport au nouvel homme et au Nouveau Testament. Tout se fait donc par quatre et par trois qui font sept, et quand le nombre de sept jours sera passé, le huitième sera le jour du jugement. »

Les raisons que donne Augustin pourquoi Dieu dit à l’homme, aux poissons, et aux oiseaux : Croissez et multipliez, et ne le dit point aux autres animaux, sont encore excellentes. Cela se trouve à la fin des Confessions d’Augustin, et je vous exhorte à les lire.

Pascal était assez éloquent, et était surtout un bon plaisant. Il est à croire qu’il serait devenu même un profond géomètre : ce qui ne s’accorde guère avec la raillerie et le comique qui règnent dans ses Lettres provinciales ; mais sa mauvaise santé le rendit bientôt incapable de faire des études suivies. Il était extrêmement ignorant sur l’histoire des premiers siècles de l’Église, ainsi que sur presque toute autre histoire. Quelques jansénistes même m’avouèrent, lorsque j’étais à Paris, qu’il n’avait jamais lu l’Ancien Testament tout entier ; et je crois qu’en effet peu d’hommes ont fait cette lecture, excepté ceux qui ont eu la manie de le commenter.

Pascal n’avait lu aucun des livres des jésuites dont il se moque dans ses lettres. C’étaient des manœuvres littéraires de Port-Royal qui lui fournissaient les passages qu’il tournait si bien en ridicule.

Ses Pensées[1] sont d’un enthousiaste, et non d’un philosophe. Si le livre qu’il méditait eût été composé avec de pareils matériaux, il n’eût été qu’un édifice monstrueux bâti sur du sable mouvant. Mais il était lui-même incapable d’élever ce bâtiment, non-seulement à cause de son peu de science, mais parce que son cerveau se dérangea sur les dernières années de sa vie, qui fut courte. C’est une chose bien singulière que Pascal et Abbadie, les deux défenseurs de la religion chrétienne, que l’on cite le plus, soient tous deux morts fous. Pascal, comme vous savez, croyait toujours voir un précipice à côté de sa chaise ; et Abbadie courait les rues de Dublin avec tous les petits gueux de son quartier. C’est une des raisons qui ont engagé notre pauvre doyen Swift à faire une fondation pour les fous.

À l’égard de Grotius, il s’en faut beaucoup qu’il eût le génie de Pascal, mais il était savant ; j’entends savant de cette pédan-

  1. Voyez tome XXII, page 27.