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EXCÈS DE L’ÉGLISE ROMAINE.


et l’honneur des femmes, que ce Bernard Van Galen, évêque de Munster, qui se faisait soudoyer tantôt par les Hollandais contre ses voisins, tantôt par Louis XIV contre les Hollandais ? Il s’enivra de vin et de sang toute sa vie. Il passait du lit de ses concubines aux champs du meurtre, comme une bête en rut et carnassière. Le sot peuple cependant se mettait à genoux devant lui, et recevait humblement sa bénédiction.

J’ai vu un de ses bâtards, qui, malgré sa naissance, trouva le moyen d’être chanoine d’une collégiale ; il était plus méchant que son père, et beaucoup plus dissolu : je sais qu’il assassina une de ses maîtresses.

Je demande s’il n’est pas probable que l’évêque, marié à une Allemande femme de bien, et son fils, né en légitime mariage et bien élevé, auraient mené l’un et l’autre une vie moins abominable. Je demande s’il y a quelque chose au monde plus capable de modérer nos fureurs que les regards d’une épouse et d’une mère respectée, si les devoirs d’un père de famille n’ont pas étouffé mille crimes dans leur germe.

Combien d’assassinats commis par des prêtres n’ai-je pas vus en Italie, il n’y a pas quarante ans ? Je n’exagère point ; il y avait peu de jours où un prêtre corse n’allât, après avoir dit la messe, arquebuser son ennemi ou son rival derrière un buisson ; et quand l’assassiné respirait encore, le prêtre lui offrait de le confesser et de lui donner l’absolution. C’est ainsi que ceux que le pape Alexandre VI faisait égorger pour s’emparer de leur bien lui demandaient unam indulgentiam in articulo mortis.

Je lisais hier ce qui est rapporté dans nos histoires d’un évêque de Liége, du temps de notre Henri V. Cet évêque n’est appelé que Jean sans pitié. Il avait un prêtre qui lui servait de bourreau ; et après l’avoir employé à pendre, à rouer, à éventrer plus de deux mille personnes, il le fit pendre lui-même.

Que dirai-je de l’archevêque d’Upsal, nommé Troll, qui, de concert avec le roi de Danemark, Christian II, fit massacrer devant lui quatre-vingt-quatorze sénateurs, et livra la ville de Stockholm au pillage, une bulle du pape à la main ?

Il n’y a point d’État chrétien où les prêtres n’aient étalé des scènes à peu près semblables.

On me dira que je ne parle que des crimes ecclésiastiques, et que je passe sous silence ceux des séculiers. C’est que les abominations des prêtres, et surtout des prêtres papistes, font un plus grand contraste avec ce qu’ils enseignent au peuple ; c’est qu’ils joignent à la foule de leurs forfaits un crime non moins affreux,