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CHAPITRE XXXV.


sophe Théon, son père, elle occupait, en 415, la chaire qu’il avait eue, et fut applaudie pour sa science autant qu’honorée pour ses mœurs ; mais elle était païenne. Les dogues tonsurés de Cyrille, suivis d’une troupe de fanatiques, l’assaillirent dans la rue lorsqu’elle revenait de dicter ses leçons, la traînèrent par les cheveux, la lapidèrent et la brûlèrent, sans que Cyrille le saint leur fît la plus légère réprimande, et sans que Théodose le jeune et la dévote Pulchérie, sa sœur, qui le gouvernait et partageait l’empire avec lui, condamnassent cet excès d’inhumanité. Un tel mépris des lois en cette circonstance eût paru moins étonnant sous le règne de leur aïeul Théodose Ier, qui s’était souillé si lâchement du sang des peuples de Thessalonique[1].


CHAPITRE XXXV.[2]

DES SECTES ET DES MALHEURS DES CHRÉTIENS JUSQU’À L’ÉTABLISSEMENT DU MAHOMÉTISME.

Les disputes, les anathèmes, les persécutions, ne cessèrent d’inonder l’Église chrétienne. Ce n’était pas assez d’avoir uni dans Jésus la nature divine avec la nature humaine : on s’avisa d’agiter la question si Marie était mère de Dieu. Ce titre de mère de Dieu parut un blasphème à Nestorius, évêque de Constantinople. Son sentiment était le plus probable ; mais, comme il avait été persécuteur, il trouva des évêques qui le persécutèrent. On le chassa de son siége au concile d’Éphèse ; mais aussi trente évê-

  1. Rien ne caractérise mieux les prêtres du christianisme que les louanges prodiguées par eux si longtemps à Théodose et à Constantin. Il est certain que ce Théodose, surnommé le Grand et quelquefois le Saint, était un des plus méchants hommes qui eussent gouverné l’empire romain, puisque, après avoir promis une amnistie entière pendant six mois aux citoyens de Thessalonique, ce Cantabre, aussi perfide que cruel, invita, en 390, ces citoyens à des jeux publics dans lesquels il fit égorger hommes, femmes, enfants, sans qu’il en réchappât un seul. Peut-on n’être pas saisi de la plus violente indignation contre les panégyristes de ce barbare, qui s’extasient sur sa pénitence ? Il fut vraiment, disent-ils, plusieurs mois sans entendre la messe. N’est-ce pas insulter à l’humanité entière que d’oser parler d’une telle satisfaction ? Si les auteurs des massacres d’Irlande avaient passé six mois sans entendre la messe, auraient-ils bien expié leurs crimes ? En est-on quitte pour ne point assister à une cérémonie aussi idolâtre que ridicule, lorsqu’on est souillé du sang de sa patrie ?

    Quant à Constantin, je suis de l’avis du consul Ablavius, qui déclara que Constantin était un Néron. (Note de Voltaire, 1771.) — Voyez page 277.

  2. Chapitre ajouté en 1767 ; voyez la note de la page 195.