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ARIANISME ET ATHANASIANISME.


consubstantiel au Père. » Après ces mots inexplicables, on met, par surérogation : « Nous croyons aussi au Saint-Esprit, » sans dire ce que c’est que ce Saint-Esprit, s’il est engendré, s’il est fait, s’il est créé, s’il procède, s’il est consubstantiel. Ensuite on ajoute : « Anathème à ceux qui disent qu’il y a eu un temps où le Fils n’était pas. »

Mais ce qu’il y eut de plus plaisant au concile de Nicée, ce fut la décision sur quelques livres canoniques. Les Pères étaient fort embarrassés sur le choix des Évangiles et des autres écrits. On prit le parti de les entasser tous sur un autel, et de prier le Saint-Esprit de jeter à terre tous ceux qui n’étaient pas légitimes. Le Saint-Esprit ne manqua pas d’exaucer sur-le-champ la requête de Pères[1]. Une centaine de volumes tombèrent d’eux-mêmes sous l’autel ; c’est un moyen infaillible de connaître la vérité, et c’est ce qui est rapporté dans l’Appendix des actes de ce concile : c’est un des faits de l’histoire ecclésiastique les mieux avérés.

Notre savant et sage Middleton a découvert une chronique d’Alexandrie, écrite par deux patriarches d’Égypte, dans laquelle il est dit que non-seulement dix-sept évêques, mais encore deux mille prêtres, protestèrent contre la décision du concile.

Les évêques vainqueurs obtinrent de Constantin qu’il exilât Arius et trois ou quatre évêques vaincus ; mais ensuite Athanase ayant été élu évêque d’Alexandrie, et ayant trop abusé du crédit de sa place, les évêques et Arius exilés furent rappelés, et Athanase exilé à son tour. De deux choses l’une, ou les deux partis avaient également tort, ou Constantin était très-injuste. Le fait est que les disputeurs de ce temps-là étaient des cabaleurs comme ceux de ce temps-ci, et que les princes du ive siècle ressemblaient à ceux du nôtre, qui n’entendent rien à la matière, ni eux, ni leurs ministres, et qui exilent à tort et à travers. Heureusement nous avons ôté à nos rois le pouvoir d’exiler ; et si nous n’avons pu guérir dans nos prêtres la rage de cabaler, nous avons rendu cette rage inutile.

Il y eut un concile à Tyr, où Arius fut réhabilité, et Athanase condamné. Eusèbe de Nicomédie allait faire entrer pompeusement son ami Arius dans l’église de Constantinople ; mais un saint catholique, nommé Macaire, pria Dieu avec tant de ferveur et de larmes de faire mourir Arius d’apoplexie que Dieu, qui est bon, l’exauça. Ils disent que tous les boyaux d’Arius lui sortirent

  1. Cela est rapporté dans l’Appendix des actes du concile, pièce qui a toujours été réputée authentique. (Note de Voltaire, 1771.)