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phique[1] ; et quand on les compare à la Lettre au docteur Pansophe, il est impossible de conserver d’illusion et de croire que l’auteur des unes soit celui de l’autre, tant est grande la différence de la manière et du style.

Ces recherches nous ramènent donc à Voltaire, quoi qu’il dise. Lorsqu’il écrit à Borde[2] : « L’abbé Coyer me jure qu’il n’est pas l’auteur de la Lettre à Pansophe ; c’est donc vous qui l’êtes ? Vous dites que ce n’est pas vous ; c’est donc l’abbé Coyer. Il n’y a certainement que l’un de vous deux qui puisse l’avoir écrite. Le troisième n’existe pas, » il sait bien que ce troisième existe : c’est lui-même.

On verra, dans l’Avertissement de Beuchot, placé en tête des Notes sur la lettre de M.  de Voltaire à M.  Hume, que Decroix, le collaborateur de Condorcet à l’édition de Kehl, croyait à la paternité de Voltaire, et Beuchot lui-même n’ose se prononcer contre.

Après avoir admis dans l’œuvre voltairienne la Vie de J.-J. Rousseau et d’autres ouvrages, sur de simples présomptions, il aurait été illogique d’écarter la Lettre aie docteur Pansophe.

L. M.



LETTRE AU DOCTEUR PANSOPHE.

Quoi que vous en disiez, docteur Pansophe, je ne suis certainement pas la cause de vos malheurs : j’en suis affligé, et vos livres ne méritent pas de faire tant de scandale et tant de bruit ; mais cependant ne devenez pas calomniateur, ce serait là le plus grand mal. J’ai lu, dans le dernier ouvrage que vous avez mis en lumière, une belle prosopopée où vous faites entendre, en plaisantant mal à propos, que je ne crois pas en Dieu. Le reproche est aussi étonnant que votre génie. Le jésuite Garasse, le jésuite Hardouin, et d’autres menteurs publics, trouvaient partout des athées ; mais le jésuite Garasse, le jésuite Hardouin, ne sont pas bons à imiter. Docteur Pansophe, je ne suis athée ni dans mon cœur, ni dans mes livres ; les honnêtes gens qui nous connaissent l’un et l’autre disent, en voyant votre article : Hélas ! le docteur Pansophe est méchant comme les autres hommes ; c’est bien dommage.

Judicieux admirateur de la bêtise et de la brutalité des sauvages, vous avez crié contre les sciences, et cultivé les sciences. Vous avez traité les auteurs et les philosophes de charlatans ; et, pour prouver d’exemple, vous avez été auteur. Vous avez écrit

  1. Œuvres diverses, 2 vol. in-8o en deux parties chacun ; Lyon, Faucheux, 1783.
  2. Lettre à Borde, du 15 décembre 1766.