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ARIANISME ET ATHANASIANISME.


à Majorin, et forma le premier des schismes sanglants qui devaient souiller le christianisme. Eusèbe rapporte qu’on se battait avec des massues, parce que Jésus, dit-on, avait ordonné à Pierre de remettre son épée[1] dans le fourreau. Dans la suite on fut moins scrupuleux ; les donatistes et les cyprianistes se battirent avec le fer. Il s’ouvrait dans le même temps une scène de trois cents ans de carnage pour la querelle d’Alexandre et d’Arius, d’Athanase et d’Eusèbe, pour savoir si Jésus était précisément de la même substance que Dieu, ou d’une substance semblable à Dieu.


CHAPITRE XXXI.

ARIANISME ET ATHANASIANISME.

Qu’un Juif nommé Jésus ait été semblable à Dieu, ou consubstantiel à Dieu, cela est également absurde et impie.

Qu’il y ait trois personnes dans une substance, cela est également absurde.

Qu’il y ait trois dieux dans un dieu, cela est également absurde.

Rien de tout cela n’était un système chrétien, puisque rien de toute cette doctrine ne se trouve dans aucun Évangile, seul fondement reconnu du christianisme. Ce ne fut que quand on voulut platoniser qu’on se perdit dans ces idées chimériques. Plus le christianisme s’étendit, plus ses docteurs se fatiguèrent à le rendre incompréhensible. Les subtilités sauvèrent ce que le fond avait de bas et de grossier.

Mais à quoi servent toutes ces imaginations métaphysiques ? Qu’importe à la société humaine, aux mœurs, aux devoirs, qu’il y ait en Dieu une personne ou trois ou quatre mille ? En sera-t-on plus homme de bien pour prononcer des mots qu’on n’entend pas ? La religion, qui est la soumission à la Providence, et l’amour de la vertu, a-t-elle donc besoin de devenir ridicule pour être embrassée ?

Il y avait déjà longtemps qu’on disputait sur la nature du Logos, du verbe inconnu, quand Alexandre, pape d’Alexandrie, souleva contre lui l’esprit de plusieurs papes, en prêchant que la Trinité était une monade. Au reste, ce nom de pape était donné indistinctement alors aux évêques et aux prêtres. Alexandre était évêque ; le prêtre Arius se mit à la tête des mécontents : il se

  1. Jean, XVIII, 11.