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DES MARTYRS.


En voilà, je pense, assez pour faire connaître les Pères, et pour faire voir sur quels fondements on a bâti l’édifice le plus monstrueux qui ait jamais déshonoré la raison. Cette raison a dit à tous les hommes : La religion doit être claire, simple, universelle, à la portée de tous les esprits, parce qu’elle est faite pour tous les cœurs ; sa morale ne doit point être étouffée sous le dogme, rien d’absurde ne doit la défigurer. En vain la raison a tenu ce langage ; le fanatisme a crié plus haut qu’elle. Et quels maux n’a pas produits ce fanatisme ?


CHAPITRE XXVI.

DES MARTYRS.

Pourquoi les Romains ne persécutèrent-ils jamais pour leur religion aucun de ces malheureux Juifs abhorrés, ne les obligèrent-ils jamais de renoncer à leurs superstitions, leur laissèrent-ils leurs rites et leurs lois, et leur permirent-ils des synagogues dans Rome, les comptèrent-ils même parmi les citoyens à qui on faisait des largesses de blé ? Et d’où vient que ces mêmes Romains, si indulgents, si libéraux envers ces malheureux Juifs, furent-ils, vers le iiie siècle, plus sévères envers les adorateurs d’un Juif ? N’est-ce point parce que les Juifs, occupés de vendre des chiffons et des philtres, n’avaient pas la rage d’exterminer la religion de l’empire, et que les chrétiens intolérants étaient possédés de cette rage[1] ?

    Une des plus fortes contradictions innombrables dont tous les livres juifs fourmillent se trouve dans ce verset de l’Exode [XXXIII, 23] : « Tu ne pourras voir que mon derrière. » Le livre des Nombres, chapitre XII [verset 8], dit expressément que Dieu se faisait voir à Moïse comme un ami à un ami ; qu’il voyait Dieu face à face, et qu’ils se parlaient bouche à bouche.

    Nos pauvres théologiens se tirent d’affaire en disant qu’il faut entendre un passage dans le sens propre, et l’autre dans un sens figuré. Ne faudrait-il pas leur donner des vessies de cochons par le nez, dans le sens figuré et dans le sens propre ? (Note de Voltaire, 1771.)

  1. Il n’y a rien certainement à répondre à cette assertion de milord Bolingbroke. Il est démontré que les anciens Romains ne persécutèrent personne pour ses dogmes. Cette exécrable horreur n’a jamais été commise que par les chrétiens, et surtout par les Romains modernes. Aujourd’hui même encore, il y a dix mille Juifs à Rome qui sont très-protégés, quoi qu’on sache bien qu’ils regardent Jésus comme un imposteur. Mais si un chrétien s’avise de crier dans l’église de Saint-Pierre, ou dans la place Navone, que trois font trois, et que le pape n’est pas infaillible, il sera brûlé infailliblement.

    Je mets en fait que les chrétiens ne furent jamais persécutés que comme des