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CHAPITRE XXV.


ensuite si puissante et si fière, tint tout des Égyptiens et des Grecs.

Il y avait sans doute une grande dose de folie dans la philosophie d’Origène, puisqu’il s’avisa de se couper les testicules. Épiphane a écrit qu’un préfet d’Alexandrie lui avait donné l’alternative, de servir de Ganymède à un Éthiopien, ou de sacrifier aux dieux, et qu’il avait sacrifié pour n’être point sodomisé par un vilain Éthiopien[1].

Si c’est là ce qui le détermina à se faire eunuque, ou si ce fut une autre raison, c’est ce que je laisse à examiner aux savants qui entreprendront l’histoire des eunuques ; je me borne ici à l’histoire des sottises de l’esprit humain.

Il fut le premier qui donna de la vogue au nonsense, au galimatias de la Trinité, qu’on avait oublié depuis Justin. On commençait dès lors chez les chrétiens à oser regarder le fils de Marie comme Dieu, comme une émanation du Père, comme le premier Éon, comme identifié en quelque sorte avec le Père ; mais on n’avait pas fait encore un Dieu du Saint-Esprit. On ne s’était pas avisé de falsifier je ne sais quelle épître attribuée à Jean, dans laquelle on inséra ces paroles ridicules[2] : « Il y en a trois qui donnent témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe, et l’Esprit saint. » Serait-ce ainsi qu’on devrait parler de trois substances ou personnes divines, composant ensemble le Dieu créateur du monde ? dirait-on qu’ils donnent témoignage ? D’autres exemplaires portent ces paroles plus ridicules encore : « Il y en a trois qui rendent témoignage en terre, l’esprit, l’eau, et le sang, et ces trois ne sont qu’un[3]. « On ajouta encore dans d’autres copies : et

  1. Épiphan., Hœres. 64, chap. II. (Note de Voltaire, 1767.)
  2. Ire épître de saint, Jean, v. 7.
  3. On se tourmente beaucoup pour savoir si ces paroles sont de Jean, ou si elles n’en sont pas. Ceux des christicoles qui les rejettent attestent l’ancien manuscrit du Vatican, où elles ne se trouvent point ; ceux qui les admettent se prévalent de manuscrits plus nouveaux. Mais, sans entrer dans cette discussion inutile, ou ces lignes sont de Jean, ou elles n’en sont pas. Si elles en sont, il fallait enfermer Jean dans le Bedlam de ces temps-là, s’il y en avait un ; s’il n’en est pas l’auteur, elles sont d’un faussaire bien sot et bien impudent.

    Il faut avouer que rien n’était plus commun chez les premiers christicoles que ces suppositions hardies. On ne pouvait en découvrir la fausseté, tant ces œuvres de mensonge étaient rares, tant la faction naissante les dérobait avec soin à ceux qui n’étaient pas initiés à leurs mystères !

    Nous avons déjà remarqué que le crime le plus horrible aux yeux de cette secte était de montrer aux Gentils ce qu’elle appelait les saints livres. Quelle abominable contradiction chez ces malheureux ! Ils disaient : Nous devons prêcher le christianisme dans toute la terre ; et ils ne montraient à personne les écrits dans lesquels ce christianisme est contenu. Que diriez-vous d’une douzaine de gueux