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PRINCIPALES IMPOSTURES, ETC.


les meilleurs plats à l’évêque, s’il n’est pas à table. Il faut donner double portion au prêtre et au diacre. Les portions des évêques ont bien augmenté, et surtout celle de l’évêque de Rome.

Au chap. XXXIV, on met les évêques bien au-dessus des empereurs et des rois, précepte dont l’Église s’est écartée le moins qu’elle a pu : Quanto animus præstat corpore, tantum sacerdotium regno. C’est là l’origine cachée de cette terrible puissance que les évêques de Rome ont usurpée pendant tant de siècles. Tous ces livres supposés, tous ces mensonges qu’on a osé nommer pieux, n’étaient qu’entre les mains des fidèles. C’était un péché énorme de les communiquer aux Romains, qui n’en eurent presque aucune connaissance pendant deux cents ans ; ainsi le troupeau grossissait tous les jours.


CHAPITRE XX.

DES PRINCIPALES IMPOSTURES DES PREMIERS CHRÉTIENS.

Une des plus anciennes impostures de ces novateurs énergumènes fut le Testament des douze patriarches[1], que nous avons encore tout entier en grec de la traduction de Jean surnommé saint Chrysostome. Cet ancien livre, qui est du premier siècle de notre ère, est visiblement d’un chrétien, puisqu’on y fait dire à Lévi, à l’article 8 de son Testament : « Le troisième aura un nom nouveau, parce qu’il sera un roi de Juda, et qu’il sera peut-être d’un nouveau sacerdoce pour toutes les nations, etc. ; » ce qui désigne leur Jésus-Christ, qui n’a jamais pu être désigné que par de telles

    que les gnostiques, qui étaient parmi eux la seule société savante, étaient aussi la plus impudique. Voici ce qu’il dit d’eux au livre Ier, contre les hérésies :

    « Après qu’ils se sont prostitués les uns aux autres, ils montrent au jour ce qui est sorti d’eux. Une femme en met dans ses mains. Un homme remplit aussi sa main de l’éjaculation d’un garçon ; et ils disent à Dieu : « Nous te présentons cette offrande qui est le corps de Christ. » Ensuite hommes et femmes avalent ce sperme, et s’écrient : « C’est la pâque. » Puis on prend du sang d’une femme qui a ses ordinaires, on l’avale, et on dit : « C’est le sang de Christ. »

    Si un Père de l’Église a reproché ces horreurs à des chrétiens, nous ne devons pas regarder comme des calomniateurs insensés, des adorateurs de Zeus, de Jupiter, qui leur ont fait les mêmes imputations. Il se peut qu’ils se soient trompés. Il se peut aussi que les chrétiens aient été coupables de ces abominations, et qu’ils se soient corrigés dans la suite, comme la cour romaine substitue depuis longtemps la décence aux horribles débauches dont elle fut souillée pendant près de cinq cents ans. (Note de Voltaire, 1771.)

  1. Voyez tome XVII, page 302.