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DE LA FIN DU MONDE.


venant dans les nuées avec grande puissance et grande majesté[1] ?

Il y a dans l’Évangile attribué à Jean un passage qui fait bien voir que ce livre ne fut pas composé par un Juif. Jésus dit : «[2] Je vous fais un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez mutuellement. » Ce commandement, loin d’être nouveau, se trouve expressément, et d’une manière bien plus forte, dans le Lévitique[3] : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Enfin, quiconque se donnera la peine de lire avec attention ne trouvera, dans tous les passages où l’on allègue l’Ancien Testament, qu’un manifeste abus de paroles, et le sceau du mensonge presque à chaque page.


CHAPITRE XVII.

DE LA FIN DU MONDE, ET DE LA JÉRUSALEM NOUVELLE.

Non-seulement on a introduit Jésus sur la scène prédisant la fin du monde pour le temps même où il vivait ; mais ce fanatisme fut celui de tous ceux qu’on nomme apôtres et disciples. Pierre Barjone, dans la première épître qu’on lui attribue, dit[4] que « l’Évangile a été prêché aux morts, et que la fin du monde approche ».

Dans la seconde épître[5] : « Nous attendons de nouveaux cieux et une nouvelle terre. »

La première épître attribuée à Jean dit formellement[6] : « Il y a dès à présent plusieurs antechrists : ce qui nous fait connaître que voici la dernière heure. »

L’épître qu’on met sur le compte de ce Thadée surnommé Jude annonce la même folie[7] : « Voilà le Seigneur qui va venir avec des millions de saints pour juger les hommes. »

Cette ridicule idée subsista de siècle en siècle. Si le monde ne finit pas sous Constantin, il devait finir sous Théodose ; si la fin n’arrivait pas sous Théodose, elle devait arriver sous Attila. Et

  1. On fut si longtemps infatué de cette attente de la fin du monde qu’aux vie, viie, et viiie siècles, beaucoup de chartres, de donations aux moines, commencent ainsi : « Christ régnant, la fin du monde approchant, moi, pour le remède de mon âme, etc. » (Note de Voltaire, 1771.)
  2. Jean, XIII, 34. (Id.)
  3. Lévitique, XIX, 18. (Id.)
  4. chap. IV, 6. 7. (Id.)
  5. chap. III, 13. (Note de Voltaire.)
  6. II, 18.
  7. Jude, XV, 14, 15. (Id.)