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CHAPITRE XV.


inspirations ; agapes qui produisaient tant d’impuretés : tout cela est détruit, et cependant la secte demeure.

Les chrétiens s’accréditèrent ainsi dans le petit peuple pendant tout un siècle. On les laissa faire ; on les regarda comme une secte de Juifs, et les Juifs étaient tolérés. On ne persécutait ni pharisiens, ni saducéens, ni thérapeutes, ni esséniens, ni judaïtes ; à plus forte raison laissait-on ramper dans l’obscurité ces chrétiens qu’on ignorait. Ils étaient si peu de chose que ni Flavius Josèphe, ni Philon, ni Plutarque, ne daignent en parler ; et si Tacite en veut bien dire un mot, c’est en les confondant avec les Juifs et en leur marquant le plus profond mépris. Ils eurent donc la plus grande facilité d’étendre leur secte. On les rechercha un peu sous Domitien ; quelques-uns furent punis sous Trajan, et ce fut alors qu’ils commencèrent à mêler mille faux actes de martyres à quelques-uns qui n’étaient que trop véritables.


CHAPITRE XV.

COMMENT LES CHRÉTIENS SE CONDUISIRENT AVEC LES JUIFS. LEUR EXPLICATION RIDICULE DES PROPHÈTES.

Les chrétiens ne purent jamais prévaloir auprès des Juifs comme auprès de la populace des Gentils. Tandis qu’ils continuèrent à vivre selon la loi mosaïque, comme avait fait Jésus toute sa vie, à s’abstenir des viandes prétendues impures, et qu’ils ne proscrivirent point la circoncision, ils ne furent regardés que comme une société particulière de Juifs, telle que celle des saducéens, des esséniens, des thérapeutes. Ils disaient qu’on avait eu tort de pendre Jésus, que c’était un saint homme envoyé de Dieu, et qu’il était ressuscité.

Ces discours, à la vérité, étaient punis dans Jérusalem : il en coûta même la vie à Étienne, à ce qu’ils disent ; mais ailleurs cette scission ne produisit que des altercations entre les Juifs rigides et les demi-chrétiens. On disputait ; les chrétiens crurent trouver dans les Écritures quelques passages qu’on pouvait tordre en faveur de leur cause. Ils prétendirent que les prophètes juifs avaient prédit Jésus-Christ ; ils citaient Isaïe, qui disait au roi Achaz :

« Une fille, ou une jeune femme (alma)[1] sera grosse, et accou-

  1. Par quelle impudente mauvaise foi les christicoles ont-ils soutenu qu’alma signifiait toujours vierge ? Il y a dans l’Ancien Testament vingt passages où alma