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CHAPITRE XII.


Quel discours aux Corinthiens[1] ! Nos pères ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. Le cardinal Bembo n’avait-il pas raison d’appeler ces épîtres epistolaccie, et de conseiller de ne les point lire ?

Que penser d’un homme qui dit aux Thessaloniciens[2] : Je ne permets point aux femmes de parler dans l’église ; et qui dans la même épître[3] annonce qu’elles doivent parler et prophétiser avec un voile ?

Sa querelle avec les autres apôtres est-elle d’un homme sage et modéré ? Tout ne décèle-t-il pas en lui un homme de parti ? Il s’est fait chrétien, il enseigne le christianisme, et il va sacrifier sept jours de suite dans le temple de Jérusalem par le conseil de Jacques, afin de ne point passer pour chrétien. Il écrit aux Galates[4] : « Je vous dis, moi Paul, que si vous vous faites circoncire, Jésus-Christ ne vous servira de rien. » Et ensuite il circoncit son disciple Timothée, que les Juifs prétendent être fils d’un Grec et d’une prostituée. Il est intrus parmi les apôtres, et il se vante aux Corinthiens, Ire épître, chap. ix[5] d’être aussi apôtre que les autres : « Ne suis-je pas apôtre ? n’ai-je pas vu notre Seigneur Jésus-Christ ? n’êtes-vous pas mon ouvrage ? Quand je ne serais pas apôtre à l’égard des autres, je le suis au moins à votre égard. N’avons-nous pas le droit d’être nourris à vos dépens ? n’avons-nous pas le pouvoir de mener avec nous une femme qui soit notre sœur (ou si l’on veut, une sœur qui soit notre femme), comme font les autres apôtres et les frères de notre Seigneur ? Qui est-ce qui va jamais à la guerre à ses dépens ? etc. »

Que de choses dans ce passage ! le droit de vivre aux dépens de ceux qu’il a subjugués, le droit de leur faire payer les dépenses de sa femme ou de sa sœur, enfin la preuve que Jésus avait des frères, et la présomption que Marie ou Mirja était accouchée plus d’une fois.

Je voudrais bien savoir de qui il parle encore dans la seconde lettre aux Corinthiens, chap. XI[6] : « Ce sont de faux apôtres… mais ce qu’ils osent[7], je l’ose aussi. Sont-ils Hébreux ? je le suis aussi. Sont-ils de la race d’Abraham ? j’en suis aussi. Sont-ils ministres de Jésus-Christ ? quand ils devraient m’accuser d’impudence, je le suis encore plus qu’eux. J’ai plus travaillé qu’eux ;

  1. I. Cor., X, 2.
  2. Ce n’est pas dans l’épître aux Thessaloniciens, mais dans la Ire aux Corinthiens, xvi, 34.
  3. Ibid., XI, 5.
  4. v, 2.
  5. Versets 1-7.
  6. Verset 13.
  7. 21-25.