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CHAPITRE X.


ou écrasés dans des torrents sous des pierres. Glissons sur cette suite affreuse et non interrompue d’horreurs sacriléges. Misérables Juifs ! c’est donc chez vous que naquit un homme de la lie du peuple qui portait le nom très-commun de Jésus ! Voyons quel était ce Jésus.


CHAPITRE X.

DE LA PERSONNE DE JÉSUS.

Jésus naquit dans un temps où le fanatisme dominait encore, mais où il y avait un peu plus de décence. Le long commerce des Juifs avec les Grecs et les Romains avait donné aux principaux de la nation des mœurs un peu moins déraisonnables et moins grossières. Mais la populace, toujours incorrigible, conservait son esprit de démence. Quelques Juifs, opprimés sous les rois de Syrie et sous les Romains, avaient imaginé alors que leur Dieu leur enverrait quelque jour un libérateur, un messie. Cette attente devait naturellement être remplie par Hérode. Il était leur roi, il était l’allié des Romains, il avait rebâti leur temple, dont l’architecture surpassait de beaucoup celle du temple de Salomon, puisqu’il avait comblé un précipice sur lequel cet édifice était établi. Le peuple ne gémissait plus sous une domination étrangère ; il ne payait d’impôts qu’à son monarque ; le culte juif florissait, les lois antiques étaient respectées ; Jérusalem, il faut l’avouer, était au temps de sa plus grande splendeur.

L’oisiveté et la superstition firent naître plusieurs factions ou sociétés religieuses, saducéens, pharisiens, esséniens, judaïtes, thérapeutes, joannistes ou disciples de Jean ; à peu près comme les papistes ont des molinistes, des jansénistes, des jacobins, et des cordeliers. Mais personne alors ne parlait de l’attente du messie. Ni Flavius Josèphe, ni Philon, qui sont entrés dans de si grands détails sur l’histoire juive, ne disent qu’on se flattait alors qu’il viendrait un christ, un oint, un libérateur, un rédempteur, dont ils avaient moins besoin que jamais ; et s’il y en avait un, c’était Hérode. En effet, il y eut un parti, une secte, qu’on appela les hérodiens, et qui reconnut Hérode pour l’envoyé de Dieu[1].

  1. Cette secte des hérodiens ne dura pas longtemps. Le titre d’envoyé de Dieu était un nom qu’ils donnaient indifféremment à quiconque leur avait fait du bien, soit à Hérode l’Arabe, soit à Judas Machabée, soit aux rois persans, soit