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DES LIVRES DE MOÏSE.


sont pour moi des preuves décisives. Le juif Uriel Acosta[1] renonça publiquement à l’Ancien Testament dans Amsterdam ; mais je ne croirai pas plus le juif Acosta que le curé Meslier. Je dois lire les pièces du procès avec une attention sévère, ne me laisser séduire par aucun des avocats, peser devant Dieu les raisons des deux partis, et décider suivant ma conscience. C’est à moi de discuter les arguments de Wollaston et de Clarke, mais je ne puis en croire que ma raison.

J’avertis d’abord que je ne veux pas toucher à notre Église anglicane, en tant qu’elle est établie par actes de parlement. Je la regarde d’ailleurs comme la plus savante et la plus régulière de l’Europe. Je ne suis point de l’avis du Whig indépendant, qui semble vouloir abolir tout sacerdoce, et le remettre aux mains des pères de famille, comme du temps des patriarches. Notre société, telle qu’elle est, ne permet pas un pareil changement. Je pense qu’il est nécessaire d’entretenir des prêtres, pour être les maîtres des mœurs et pour offrir à Dieu nos prières. Nous verrons s’ils doivent être des joueurs de gobelets, des trompettes de discorde, et des persécuteurs sanguinaires. Commençons d’abord par m’instruire moi-même.


CHAPITRE I.
DES LIVRES DE MOÏSE.

Le christianisme est fondé sur le judaïsme[2] : voyons donc si le judaïsme est l’ouvrage de Dieu. On me donne à lire les livres de Moïse, je dois m’informer d’abord si ces livres sont de lui.

  1. Voyez son article dans la neuvième des Lettres à S. A. monseigneur le prince de ***.
  2. Supposé, par un impossible, qu’une secte aussi absurde et aussi affreuse que le judaïsme fût l’ouvrage de Dieu, il serait démontré en ce cas, et par cette seule supposition, que la secte des galiléens n’est fondée que sur l’imposture. Cela est démontré en rigueur.

    Dès qu’on suppose une vérité quelconque, énoncée par Dieu même, constatée par les plus épouvantables prodiges, scellée du sang humain ; dès que Dieu, selon vous, a dit cent fois que cette vérité, cette loi, sera éternelle ; dès qu’il a dit dans cette loi qu’il faut tuer sans miséricorde celui qui voudra retrancher de sa loi ou y ajouter ; dès qu’il a commandé que tout prophète [Deut., xiii, 1, 5, 6] qui ferait des miracles pour substituer une nouveauté à cette ancienne loi fût mis à mort par son meilleur ami, par son frère : il est clair comme le jour que le