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avec Mlle Chouin[1] est digne de toutes ces pauvretés, et n’a de fondement que des bruits adoptés par la canaille.

On lève les épaules quand on voit un tel homme prêter continuellement ses idées et ses discours à Louis XIV, à Mme de Maintenon, au roi d’Espagne, à la princesse des Ursins, au duc d’Orléans, etc. Mme de Maintenon assure, selon lui, que le prince de Conti ne commandera jamais les armées, « parce que le roi a toujours été résolu de ne les point confier à un prince du sang ». Et cependant le grand Condé et le duc d’Orléans les ont commandées.

C’est avec le même jugement et la même vérité que, pendant le siége de Toulon, il fait dire à Charles XII, occupé du soin de poursuivre le czar à cinq cents lieues de là : « Si Toulon est pris, je l’irai reprendre. »

De tous les princes qu’il attaque avec une étourderie qui serait très-punissable si elle n’était pas méprisée, M. le duc d’Orléans, régent du royaume, est celui qu’il ose calomnier avec la violence la plus cynique et la plus absurde. Il commence par dire qu’en 1713 le duc d’Orléans traversait le mariage du duc de Bourbon et de la princesse de Conti, et que le roi lui dit tête à tête dans son cabinet : « Je suis surpris qu’après vous avoir pardonné une chose où il allait de votre vie, vous ayez l’insolence de cabaler chez moi contre moi. » La Beaumelle était sans doute caché dans le cabinet du roi quand il entendit ces paroles. Ce mot d’insolence est surtout dans les mœurs de Louis XIV, et bien appliqué à l’héritier présomptif du royaume ! Tout ce qu’il dit de ce prince est aussi bien fondé.

Il faut avouer qu’il est très-bien instruit, quand il dit que le duc d’Orléans fut reconnu régent au parlement, « malgré le président de Lubert, et le président de Maisons, et plusieurs membres de l’assemblée », etc. Le président de Lubert[2] était un président des enquêtes qui ne se mêlait de rien. M. de Maisons[3] n’a jamais été premier président ; il était très-attaché au régent, et il allait être garde des sceaux lorsqu’il mourut presque subitement ; et il n’y eut pas un membre du parlement, pas un pair, qui ne donnât sa voix d’un concours unanime. Autant de mots, autant d’erreurs grossières dans ce narré de La Beaumelle, sur lequel il lui était si aisé de s’instruire, pour peu qu’il eût parlé seule-

  1. Voyez ci-après l’Extrait des souvenirs de madame de Caylus.
  2. Père de Mlle de Lubert, qu’on appelait Muse et Grâce, et à qui Voltaire avait adressé une épître en 1732. Voyez tome X, page 272.
  3. Voyez, ci-après, la Défense de Louis XIV.