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tilshommes. Est-ce parce que l’assassin du défenseur de la liberté se confessa et communia avant d’exécuter son crime que tu trouves Guillaume coupable ? Est-ce parce que ce héros résista à toute la puissance d’un poltron hypocrite ? Est-ce parce qu’il rendit sept provinces libres que le petit Franc-Comtois Nonotte insulte à sa mémoire ?

12o Que tu es ignorant ! te dis-je. Tu ne sais pas que le bourg de Livron[1] en Dauphiné était une ville du temps de la Ligue ; qu’elle fut détruite comme tant d’autres petites villes. Et quand on t’a prouvé qu’elle fut assiégée par Henri III en personne, que le maréchal de camp de Bellegarde conduisit le siège avec vingt-deux pièces de canon en 1574, tu réponds, avec une direction d’intention, que « tu voulais parler de l’état où est Livron aujourd’hui, et non de l’état où elle était alors ». Il s’agit bien de l’état où est Livron aujourd’hui ! et tu ajoutes savamment : « J’ai nommé le commandant Montbrun, qui refusa de rendre la place. » Tu excuses ton ignorance par une nouvelle erreur ; ce n’était pas Montbrun qui commandait dans cette ville : c’était de Roësses, comme le dit de Thou, liv. XLIX. Tu as tort quand tu critiques ; tu as plus de tort quand tu dis des injures dignes de ton éducation ; et tort encore peut-être quand tu espères qu’on ne te punira pas.

13o Avec quelle audace peux-tu dire que M. de Voltaire n’a jamais lu la taxe[2] de la chancellerie de Rome ? Viens dans sa bibliothèque, mon ami, les laquais te laisseront entrer pour cette fois-là, et même te feront sortir par la porte. Tu verras deux exemplaires de ce livre, qu’on ne te prêtera point.

14o Tu fais le savant, Nonotte[3] ; tu dis, à propos de théologie, que l’amiral Drake a découvert la terre d’Yesso. Apprends que Drake n’alla jamais au Japon, encore moins à la terre d’Yesso ; apprends qu’il mourut en 1596, en allant à Porto-Bello ; apprends que ce fut quarante-huit ans après la mort de Drake que les Hollandais découvrirent les premiers cette terre d’Yesso, en 1644 ; apprends jusqu’au nom du capitaine Martin Jéritson, et de son vaisseau qui s’appelait le Castrécom. Crois-tu donner quelque crédit à la théologie en faisant le marin ? Tu te trompes sur terre et sur mer ; et tu t’applaudis de ton livre, parce que tes fautes sont en deux volumes !

  1. Voyez tome XII, page 528 ; XXIV, 509.
  2. Voyez tome XXIV, page 503.
  3. Voyez tome XXIV, page 512.