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Pour mieux connaître de quoi la basse littérature est capable, il faut savoir que les auteurs de ces gentillesses, ayant manqué leur coup, firent à Liége une nouvelle édition du même ouvrage, dans lequel ils insérèrent les injures qu’ils crurent les plus piquantes contre Mme de Pompadour[1]. Ils lui en firent tenir un exemplaire, qu’elle jeta au feu ; ils lui écrivirent des lettres anonymes, qu’elle renvoya à l’homme qu’ils voulaient perdre. C’est une grande ressource que celle des lettres anonymes, et fort usitée chez les âmes généreuses qui disent hardiment la vérité : les gueux de la littérature y sont fort sujets, et celui qui écrit ces mémoires instructifs conserve quatre-vingt-quatorze[2] lettres anonymes qu’il a reçues de ces messieurs.

VINGT-UNIÈME HONNÊTETÉ.

L’ex-révérend père ex-jésuite Nonotte, aussi amateur de la vérité que Varillas, ou Maimbourg, ou Caveyrac, etc., n’étant pas content apparemment de sa portion congrue, mais suffisante, qu’on donne aux ci-devant frères de la Société de Jésus, se mit en tête, il y a quatre ans, de gagner quelque argent en vendant à un libraire d’Avignon, nommé Fez, une critique des Œuvres de Voltaire, ou attribuées à Voltaire.

Mais Nonotte, aimant mieux encore l’argent que la vérité, fit proposer à M. de Voltaire de lui vendre pour mille écus son édition, ne doutant pas que M. de Voltaire, craignant un aussi grand adversaire que Nonotte, ne se hâtât de se racheter par cette petite somme, après quoi Nonotte et consorts ne manqueraient pas de faire une nouvelle édition de leur libelle, corrigée et augmentée.

J’ai, par malheur pour le petit Nonotte, la lettre de Fez en original. Voici la copie mot pour mot :

« Monsieur,

« Avant que de mettre en vente un ouvrage qui vous est relatif, j’ai cru devoir décemment vous en donner avis. Le titre porte : Erreurs de M. de Voltaire sur les faits historiques, dogmatiques, etc., en deux volumes in-12, par un auteur anonyme. En conséquence,

  1. Voyez, tome IX, dans les variantes du chant second de la Pucelle, les vers :
    Telle plutôt cette heureuse grisette, etc.
  2. Voyez, ci-après, la Lettre de M. de Voltaire (datée du 24 avril 1767).