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rité, qui me fut envoyé, il y a quelque temps, par un bon ami, sous le titre de Nouvelles Honnêtetés littéraires.

PREMIÈRE HONNÊTETÉ.

Il y a des sottises convenues qu’on réimprime tous les jours sans conséquence, et qui servent même à l’éducation de la jeunesse. La Géographie d’Hubner[1] est mise entre les mains des enfants, depuis Moscou jusqu’à Strasbourg. On y trouve, dès la première page, que Jupiter se changea en taureau pour enlever Europe, treize cents ans avant Jésus-Christ, jour pour jour ; mais que les habitants de l’Europe sont enfants de Japhet ; qu’ils sont au nombre de trente millions, quoique la seule Allemagne possède environ ce nombre d’habitants. Il affirme ensuite qu’on ne peut trouver en Europe un terrain d’une lieue d’étendue qui ne soit habité, quoiqu’il y ait vingt lieues de pays dans les landes de Bordeaux où l’on ne trouve absolument personne ; quoique dans les États du pape, depuis Orviette jusqu’à Terracine, il y ait beaucoup de terrains abandonnés, et quoiqu’il y ait des marécages immenses dans la Pologne, et des déserts dans la Russie, et par tout pays des landes.

Il est dit, dans ce livre, que le roi de France a toujours quarante mille Suisses à sa solde, quoiqu’il n’en ait environ que douze mille.

M. Hubner, en parlant de Marseille, dit que le château de Notre-Dame de la Garde est très-bien fortifié. Si M. Hubner avait ou vu Marseille, ou lu le Voyage de Bachaumont et de Chapelle, il aurait eu une connaissance plus exacte de Notre-Dame de la Garde.

Gouvernement commode et beau,
À qui suffit pour toute garde
Un Suisse avec sa hallebarde
Peint sur la porte du château.

M. Hubner assure qu’à Orange il parut une couronne d’or au ciel en plein midi, lorsque Guillaume, prince d’Orange, depuis roi d’Angleterre, reçut l’hommage des habitants de cette ville, « et que c’est pourquoi il eut toujours beaucoup de bienveillance pour elle ».

  1. Voltaire reparle de la Géographie d’Hubner dans ses Questions sur l’Encyclopédie ; voyez tome XIX, page 254 et suivantes.