Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conformer aux idées de Jean-Jacques dans son beau roman d’Héloïse ; elles vous donneront des baisers acres. Rien ne sera plus édifiant.

Quand vous aurez atteint une honorable vieillesse dans votre poste important, vous deviendrez chauve. Si alors quelques enfants d’un conseiller ou d’un procureur général vous appellent tête blanche, soit sur le chemin de Chesne, soit sur la voie de Carouge, vous ne manquerez pas de faire descendre de la montagne de Salève deux gros ours[1] ; et vous aurez la satisfaction de voir dévorer les enfants de vos magistrats : ce qui doit être une sainte consolation pour tout véritable prêtre.

Enfin je me flatte que vous serez transporté au ciel dans un char de feu tiré par quatre chevaux de feu, selon l’usage. Si la chose n’arrive pas, on dira du moins qu’elle est arrivée, et cela revient absolument au même pour la postérité.

Faites-vous donc prêtre, si vis esse aliquid. En attendant contribuez par vos lumières, par votre éloquence, et par l’ascendant que vous avez sur les esprits, à calmer les petites dissensions qui s’élèvent dans votre patrie, et à conserver sa précieuse liberté, le plus noble et le plus précieux des biens, comme dit Cicéron.

J’oubliais de vous dire qu’on nous demandait hier pourquoi en certains pays, comme par exemple en Irlande, on se moquait souvent des prêtres, et qu’on respectait toujours les magistrats : « C’est, répondit M. du Peyrou, qu’on aime les lois et qu’on rit des contes. »

J’ai l’honneur d’être cordialement,

Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur,
BEAUDINET.
DIX-NEUVIÈME LETTRE.
de m. covelle à m. needham le prêtre.

Vous savez, monsieur, que, dans le dernier souper que nous fîmes ensemble avec Mlle Ferbot, je vous avertis qu’on vous accusait de quelques petites impiétés. Je suis fâché que vous donniez sur vous cette prise ; je vais bientôt me faire prêtre, comme

  1. IV, Rois, 2, 24.