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Tu ne te sauveras jamais du ridicule dont ton adversaire te couvre aux yeux de toutes les ravaudeuses de Genève[1]

Extrait d’une description exacte[2] des établissements en Amérique[3]… Voilà les saints de notre docte, humain, et doux proposant[4]


DIX-HUITIÈME LETTRE.
de m. beaudinet à m. covelle.
À Neufchâtel, ce 1er décembre, l’an de salut 1765.

Mon cher monsieur Covelle, je vous félicite de n’avoir point été lapidé comme notre ami Jean-Jacques. Vous êtes sorti de toutes vos épreuves ; votre nom passera à la dernière postérité avec celui de vos ancêtres qui se signalèrent pour leur patrie le jour[5] de l’escalade ; mais vous l’emportez sur eux autant que la philosophie du siècle présent l’emporte sur la superstition du siècle passé. Le Covelle de l’escalade ne tua qu’un Savoyard, et vous avez résisté à cinquante prêtres. Mlle  Ferbot en est toute glorieuse ; c’est le plus beau triomphe qu’on ait jamais remporté. Le grand empereur Henri IV attendit trois jours, pieds nus et en chemise, que le prêtre Grégoire VII daignât lui permettre de se mettre à genoux devant lui. Henri IV, roi de France, plus grand encore, se fit donner le fouet par le pénitencier du prêtre Clément VIII, sur les fesses de deux cardinaux ses ambassadeurs ; et vous, mon cher Covelle, plus courageux et plus heureux que ces deux héros, vous n’avez point indignement fléchi le genou devant des hommes pécheurs.

Mais tremblez que vos prêtres ne reviennent à la charge : ils ne démordent jamais de leurs prétentions. Un prêtre qui ne gouverne point se croit déshonoré. Ils se joignent dans mon pays,

  1. Les dames de Genève ravaudeuses ! M.  Needham est fort poli ! (Cette remarque est de Mlle  Noblet.) (Note de Voltaire.)
  2. Qui t’a dit que cette description est exacte ? dans quel bourbier as-tu puisé ces horreurs ? crois-tu bien défendre ta cause en calomniant la nature humaine ? (Note de M.  du Peyrou, qui connaît mieux l’Amérique que toi.) (Id.)
  3. À la suite du Projet de notes, etc., Needham avait mis un morceau de quelques pages sous le titre d’Extrait d’une description exacte, etc., où l’on décrit la conduite barbare des sauvages envers leurs prisonniers. (B.)
  4. Avis à Needham. Mon ami, on te dira, pour la dernière fois, que tes pareils crient toujours à la religion lorsqu’ils la déshonorent et qu’ils la défigurent. Le proposant, et M.  du Peyrou, et M.  Covelle, et M.  Beaudinet, ne sont pas ennuyeux comme toi, mais ils sont meilleurs chrétiens. (Note de M.  Covelle.) (Note de Voltaire.)
  5. Le jour est là pour la nuit du 21 au 22 décembre 1602.